Cette lettre d’opinion a paru dans The Hill Times le 30 janvier 2017
Par Peter Stoicheff, recteur, University of Saskatchewan
Les universités canadiennes comprennent aujourd’hui beaucoup mieux les étudiants qui éprouvent de la difficulté dans leur parcours universitaire. Elles ont une meilleure idée de ce qu’elles peuvent faire pour favoriser la réussite, et s’efforcent de comprendre et d’éradiquer les obstacles qui guettent certaines catégories d’étudiants. Pour la University of Saskatchewan, et pour bien d’autres universités canadiennes, les étudiants autochtones constituent une priorité.
Selon l’étude Aboriginal Peoples Study de l’Environics Institute, l’éducation de la prochaine génération est la priorité numéro un des peuples autochtones, et pour cause : une formation universitaire est synonyme de meilleures perspectives d’emploi et de meilleurs salaires.
Pourtant, seuls 10 pour cent des Autochtones de 25 à 34 ans possèdent un diplôme universitaire, comparativement à 26 pour cent des Canadiens non autochtones de la même tranche d’âge.
Pour réduire cet écart, il est essentiel d’investir dans l’accès aux études supérieures. Il ne sert toutefois pas à grand-chose de faciliter l’accès aux études sans avoir de stratégies visant le maintien aux études. Ainsi, pour faire progresser la réconciliation, les universités doivent absolument soutenir les étudiants autochtones tout au long de leur parcours universitaire, les aider à s’intégrer et accroître la sensibilisation aux questions autochtones.
Nombre d’étudiants de première année vivant pour la première fois loin de chez eux dans une ville qui leur est étrangère ont du mal à suivre leur parcours universitaire. Or, la pression est encore plus grande pour les étudiants autochtones. Ils sont en effet statistiquement plus nombreux que leurs collègues non autochtones à être les premiers de leur famille à fréquenter l’université. Certains trouvent cette transition si difficile qu’ils abandonnent au terme de la première année.
À la University of Saskatchewan, par exemple, le taux de maintien aux études des étudiants autochtones n’est que de 63 pour cent, comparativement à 79 pour cent pour l’ensemble des étudiants. Nous devons faire mieux, en particulier parce que la Saskatchewan est l’une des provinces qui compte la population autochtone la plus importante.
De nouvelles initiatives commencent à porter leurs fruits. Par exemple, notre programme axé sur la réussite des étudiants autochtones (Aboriginal Student Achievement Program) veille à ce que les étudiants autochtones de première année suivent une série de cours communs afin de s’épauler et de profiter du mentorat des plus avancés. Très vite, les participants sont investis d’un sentiment d’appartenance, ont plus facilement recours aux services aux étudiants et sont stimulés à poursuivre leurs études au-delà de la première année.
Cela peut sembler anodin, mais on sait que les étudiants qui se rendent jusqu’en deuxième année ont ensuite de fortes chances d’obtenir leur diplôme de premier cycle. Et qui dit diplôme de premier cycle dit possibilité d’accéder aux études supérieures, et donc, à terme, accroissement du nombre de professeurs et de chefs de file autochtones. Une piste balisée est plus facile à suivre.
D’autres universités du pays proposent des programmes d’accès aux études, de soutien et de mentorat par les pairs pour répondre aux besoins des étudiants autochtones. Les programmes de ce type stimulent les taux de maintien aux études et d’obtention du diplôme. Ils sont indispensables pour permettre aux jeunes Autochtones de réaliser leur potentiel.
Les universités ont pourtant un rôle encore plus grand à jouer pour répondre aux besoins des étudiants autochtones. Le président de la Commission de vérité et réconciliation, le sénateur Murray Sinclair, a qualifié l’éducation d’essentielle à la réconciliation, et les universités ont pour mission d’assumer cette responsabilité. Comme éducateurs, nous avons la tâche de former des étudiants, venus de tous les horizons, et d’en faire des citoyens du monde capables de changer les choses et de participer à toutes les sphères d’influence.
Les universités adaptent leurs programmes d’études pour favoriser la compréhension mutuelle entre étudiants autochtones et non autochtones. Elles veillent à ce que leurs programmes d’études soient conçus pour mieux refléter l’histoire et les réalités des peuples autochtones, pour aider chacun à comprendre les injustices dont ils ont été victimes, et pour contrer les idées fausses véhiculées.
Tous les programmes de la University of Saskatchewan qui mènent à l’obtention d’un grade comporteront sous peu un contenu autochtone. Par exemple, un cours sur les droits issus des traités sera ajouté au programme de droit, un certificat en gestion des terres autochtones sera ajouté au programme d’études agricoles et un certificat en langues autochtones sera créé.
Au Canada, le nombre de programmes au premier cycle ou aux cycles supérieurs axés sur les questions autochtones ou spécialement conçus pour les étudiants autochtones a progressé de 33 pour cent depuis 2013.
Il y a du bon travail qui se fait, mais nous pouvons apporter encore plus aux étudiants autochtones par l’enseignement supérieur. Or, le gouvernement constitue un partenaire clé à cet égard.
À l’occasion du budget de 2016, le gouvernement fédéral s’est engagé à investir dans l’éducation primaire et secondaire pour combler l’écart entre les élèves des Premières Nations et les autres, ainsi que pour favoriser l’accès aux études postsecondaires. C’est une première étape essentielle.
Il est maintenant temps pour le gouvernement fédéral d’honorer sa promesse faite à Saskatoon : accroître de 50 millions de dollars par année le financement du Programme de soutien aux étudiants de niveau postsecondaire (PSENP), qui apporte une aide financière aux étudiants autochtones des collèges et des universités pour leur permettre d’acquitter leurs dépenses essentielles (logement, manuels, frais de scolarité, etc.).
Depuis 20 ans, le plafonnement de l’augmentation annuelle de l’enveloppe du PSENP fait en sorte que l’aide apportée ne tient pas compte du coût croissant des études postsecondaires, ainsi que du nombre croissant d’étudiants autochtones qui aspirent à une formation supérieure. La suppression de ce plafond permettrait à des dizaines de milliers d’étudiants autochtones additionnels de poursuivre des études postsecondaires.
Le PSENP représente un réel défi, mais les universités sont déterminées à contribuer à la concrétisation de la promesse énoncée dans le budget de 2016 : « procurer aux élèves qui souhaitent poursuivre des études postsecondaires les ressources et les mesures de soutien dont ils ont besoin ».
Seul un réel engagement de la part des universités et des gouvernements permettra d’offrir aux étudiants autochtones les mêmes chances que celles de leurs collègues non autochtones de réaliser leur potentiel grâce à l’éducation, et permettra ainsi au Canada de faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones.
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