Allocution
Economic Club of Canada – Ottawa
Paul Davidson
Le texte prononcé fait foi
[Présentations]
Merci David et merci à l’Economic Club.
Cela me fait plaisir de voir nos amis du milieu de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation réunis en si grand nombre.
En français, la rentrée fait référence au retour – retour à l’école, retour au travail, retour au parlement. Il fait bon d’être de retour. Le travail que nous accomplissons ensemble est important pour le Canada.
L’image emblématique de la rentrée est certainement l’autobus jaune qui transporte les écoliers. L’autobus jaune nous rappelle que le système d’éducation public du Canada (financé par les fonds publics, administré par l’État et accessible à l’ensemble de la population) constitue l’un des plus grands avantages concurrentiels du pays. Et l’une de nos plus grandes réussites.
C’est précisément de réussite et d’ambition dont je veux vous entretenir aujourd’hui.
Permettez-moi de commencer par une question : Combien d’entre vous viennent de voir leur enfant entrer à l’université ou au collège? Vous avez dû éprouver un mélange de fierté et de panique, non?
Vous aviez probablement des conseils à offrir au nouvel étudiant. J’ai moi-même trois fils : l’un d’eux est à l’université et les deux autres au secondaire. Je sais à quel point il est tentant de leur donner des conseils basés sur sa propre expérience.
En tant que président-directeur général de l’AUCC, je me trouve dans une position particulière. J’ai visité plus de 80 campus à l’échelle du pays. J’ai rencontré des étudiants, des professeurs et des administrateurs. Je les ai accompagnés dans les classes et les laboratoires, et j’ai mangé avec eux sur les campus. Oui oui, j’ai mangé ce qu’on y sert…
Ils m’ont raconté leurs succès, mais aussi indiqué sur quels plans ils ont besoin d’aide. En cinq ans à peine à la tête de l’AUCC, j’ai vu les campus d’un peu partout au pays se transformer et croître de manière formidable sans toutefois dévier de leur objectif premier : c’est-à-dire doter leurs étudiants de l’esprit critique et des compétences fondées sur le savoir dont ils auront besoin pour amorcer leur carrière et contribuer à la prospérité du pays.
En ce qui concerne les conseils à donner à nos enfants, laissez-moi vous dire ceci : si vous avez un enfant en âge d’entrer à l’université, l’expérience qu’il y vivra n’aura rien à voir avec la vôtre.
Revenons un moment aux années 1980.
Ferris Bueller et ses amis s’apprêtaient à entrer à l’université. Leurs outils : téléphone filaire, machine à écrire électrique, à la rigueur un Commodore 64.
À l’époque, les recherches s’effectuaient presque exclusivement à la bibliothèque ou en laboratoire.
Pour ma part, je venais de quitter mon domicile familial de Toronto pour entrer à la Trent University de Peterborough. Je me suis senti plongé dans un monde différent, mais sans être privé de tout repère : la langue était la même, et je n’ai pas eu trop de mal à m’habituer à la nourriture et à la culture du campus.
Les temps ont changé depuis. Afin d’illustrer mon propos, nous avons le plaisir d’accueillir cet après-midi un groupe d’élèves et d’enseignants du secondaire de la région d’Ottawa à qui je souhaite la bienvenue.
Oui, c’est vous qu’on regarde. En tant que père, je sais que c’est embarrassant. J’aimerais simplement vous expliquer un peu ce qui vous attend. Vous réfléchissez probablement déjà à ce que vous allez faire après le secondaire. Si vous envisagez d’entrer à l’université, vous êtes peut-être préoccupés par les examens, les notes et les concours, qui sont essentiels pour intégrer le programme de votre choix.
Vous avez peut-être aussi du mal à faire un choix. Allez-vous opter pour un établissement près de chez vous, ou à l’autre bout du pays? Pour les sciences humaines ou les sciences de la nature? Allez-vous résider sur le campus ou à l’extérieur? Participer à un programme coopératif ou pas?
Permettez-moi de vous aider à faire votre choix. La réponse à toutes ces questions est « oui ».
Il n’y a pas de mauvais choix. Les universités canadiennes offrent plus de souplesse et d’options que jamais. Elles n’ont jamais été plus visionnaires qu’aujourd’hui.
À l’université, vous allez fréquenter d’autres étudiants et des professeurs du monde entier. Plus de la moitié d’entre vous pourrez faire des stages ou vivre des expériences à l’étranger, qui vous prépareront à votre carrière. Vous allez développer votre esprit critique, vos capacités à rédiger et à raisonner. Vous allez participer à des activités de recherche, qui vous seront utiles sur le marché du travail et qu’on n’aurait jamais pu imaginer.
Nos enfants pourront créer des entreprises ou travailler dans des domaines qui n’existent pas encore. Au fil de leur parcours, ils auront besoin de données fiables sur le marché du travail afin de prendre les bonnes décisions pour leurs choix de cours et leur carrière; des décisions basées sur les faits.
Je ne demanderai pas aux élèves ici présents s’ils ont peur de ne pas trouver d’emploi plus tard. Je présume que leurs parents ont réfléchi à cela.
Certains aimeraient vous faire croire que les diplômés des universités sont condamnés au chômage ou qu’ils devront se contenter d’emplois inférieurs à leurs compétences. C’est un mythe nocif.
Au cours des six dernières années, deux fois plus d’emplois ont été créés pour les diplômés des universités que pour l’ensemble de ceux des collèges ou des écoles de métiers. Au cours de leur carrière, les diplômés des universités gagneront 1,3 million de dollars de plus que ceux qui n’ont qu’un diplôme d’études secondaires. Eh oui, les diplômés en arts bénéficient aussi d’un meilleur revenu.
Ça ne veut pas dire que l’économie et la société canadiennes n’ont pas besoin de diplômés de tous les autres types d’établissements : écoles de métiers, collèges, écoles polytechniques et universités.
D’ailleurs, je suis heureux de vous annoncer que les dirigeants des universités et des collèges canadiens signeront dans quelques jours un nouvel accord destiné à renforcer la collaboration et les partenariats entre leurs établissements.
Parce que nous devons tirer parti du potentiel de tous les Canadiens pour réussir au XXIe siècle.
Qu’est-ce qui est nouveau dans les universités depuis les années 1980? Un bien plus grand nombre d’étudiants acquièrent de l’expérience par l’entremise des programmes coopératifs. Il existe actuellement plus d’un millier de programmes coopératifs, répartis dans 59 universités canadiennes.
Les étudiants d’aujourd’hui reconnaissent que les programmes coopératifs et les stages comptent parmi les meilleurs parcours menant au marché du travail. Depuis quelques années, le nombre de participants à ces programmes a bondi de 25 pour cent, passant de 53 000 à plus de 65 000 étudiants.
Certains de ces étudiants auront la chance de participer à plusieurs stages ou programmes coopératifs. Vanessa Stofer, titulaire d’un baccalauréat en rédaction de la University of Victoria, avoue avoir découvert ce qu’elle ne voulait pas faire lors d’un de ses premiers stages. Elle a retenu la leçon. Son stage suivant s’est soldé par son embauche par l’employeur. Mme Stofer fait désormais ce qu’elle aime; elle fait de la rédaction pour le compte d’une organisation en laquelle elle croit.
C’est un fait : un pourcentage considérable d’étudiants se voient offrir un emploi dans le cadre des programmes coopératifs, car ces programmes permettent aux employeurs de présélectionner les candidats potentiels, de connaître leurs compétences et de les former à la culture de l’entreprise et aux exigences de leurs tâches.
Il existe également aujourd’hui des stages de recherche qui profitent non seulement aux étudiants et aux employeurs, mais également à l’ensemble de la collectivité.
Megan MacGillivray est candidate au doctorat à la University of British Columbia. Après avoir acquis une grande expérience en laboratoire, elle cherchait à la mettre en pratique.
Mitacs est un organisme de recherche à but non lucratif qui met en relation organisations et étudiants stagiaires.
C’est par son intermédiaire que Mme MacGillivray a intégré les rangs de SideStix Ventures Inc., une toute petite entreprise située en Colombie-Britannique. SideStix Ventures fabrique des béquilles d’avant-bras couramment utilisées par les personnes amputées dont l’état ne permet pas l’usage d’une jambe artificielle.
SideStix a conçu une nouvelle béquille à amortisseurs intégrés, comme ceux qu’on retrouve sur un vélo de montagne. Malheureusement, elle ne disposait que de fonds limités pour la recherche – chose courante pour une petite entreprise.
Grâce à Mitacs, SideStix a pu tirer parti de l’expertise de Mme MacGillivray tout en lui permettant d’appliquer ses connaissances à des cas réels.
Les recherches de Mme MacGillivray ont permis d’établir que la nouvelle béquille conçue par SideStix aidait ses utilisateurs à marcher sur de plus longues distances, en ressentant moins de douleur.
L’aventure a été bénéfique pour toutes les parties. Les ventes ont grimpé, mais surtout, les utilisateurs de béquilles d’avant-bras ont profité d’un progrès technologique.
L’histoire de Mme MacGillivray n’est qu’un exemple des collaborations entre étudiants, universités et collectivités qui contribuent à améliorer la vie de chacun de nous.
Quoi d’autre de nouveau? Les universités canadiennes concluent chaque année des contrats de recherche totalisant près de un milliard de dollars avec le secteur privé et des contrats de recherche totalisant plus de un milliard de dollars avec des groupes communautaires et à but non lucratif, principalement dans le domaine de la santé.
Nous bénéficions tous des résultats de la recherche, qu’il s’agisse d’une nouvelle procédure pour le remplacement d’articulations, de moyens précis de tester la qualité de l’eau ou d’une interprétation claire de notre histoire. Les universités canadiennes ne sont pas des tours d’ivoire isolées, elles sont au cœur de nos collectivités où elles participent tous les jours à trouver des solutions.
Cette participation requiert que des investissements soient faits pour la découverte, la recherche et l’infrastructure, ainsi que pour appuyer les étudiants aux cycles supérieurs. Les organismes subventionnaires du Canada sont donc essentiels à notre réussite. Disposer d’installations et d’outils de pointe (laboratoire, bases de données, matériel informatique, logiciels, locaux) est un avantage certain.
Le gouvernement du Canada a créé la Fondation canadienne pour l’innovation pour renforcer les capacités de calibre mondial du Canada en recherche et en développement technologique. L’appui de cette fondation a contribué à faire progresser la recherche de pointe dans de nombreux domaines, que ce soit les écrans solaires pour peau sensible ou les murs de soutènement résistants aux tremblements de terre.
Un financement constant et durable permettra aux chercheurs canadiens d’exceller, aux étudiants d’acquérir les compétences en recherche dont ils ont besoin, et au Canada de continuer d’attirer les meilleurs chercheurs du monde entier.
Un financement soutenu et prévisible de la recherche contribuera à préserver la dynamique existante, à créer davantage d’emplois de grande qualité, à renforcer la position du Canada dans l’économie actuelle du savoir. Il contribuera à doter les étudiants des compétences en recherche dont ils auront besoin tout au long de leur carrière.
L’expérience acquise aujourd’hui par les étudiants les prépare à intégrer le marché mondial de l’emploi. Les universités canadiennes créent des partenariats dans le monde entier qui permettent aux étudiants d’aller à l’étranger.
Notre pays a fait des progrès en accueillant un nombre accru d’étudiants étrangers. Nous en avons constaté les retombées bénéfiques. Ces étudiants injectent chaque année plus de huit milliards de dollars dans l’économie canadienne, en plus de nous mettre en contact avec des cultures, des langues, des traditions et des économies différentes. Ils ouvrent nos campus et nos collectivités à de nouveaux horizons.
Les étudiants étrangers élargissent leur vision du monde. Les étudiants canadiens doivent pouvoir faire de même. Actuellement, seulement 12 pour cent des étudiants canadiens aux cycles supérieurs vivent une expérience à l’étranger, soit environ 25 000 par année. Nous pouvons faire mieux.
Plusieurs ici présents ont partagé notre enthousiasme lorsque le regretté Jim Flaherty et Ed Fast ont mis sur pied un groupe d’experts chargé d’établir la stratégie du Canada en matière d’éducation internationale.
Sous la direction d’Amit Chakma, recteur de la Western University, le groupe formé de dirigeants d’entreprises et du milieu de l’enseignement postsecondaire recommandait que 50 000 étudiants canadiens puissent chaque année faire un séjour d’études à l’étranger et participer à des échanges culturels.
Il y a des obstacles à surmonter. Au premier rang : les coûts.
Le groupe recommandait aussi l’établissement d’un partenariat entre les gouvernements, les établissements d’enseignement et le secteur privé, dont le but serait d’aider financièrement les étudiants canadiens pour en faire des citoyens du monde.
J’aimerais vous citer les propos que le président et chef de la direction de l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada, Mark Wiseman, a adressés le printemps dernier aux étudiants de la Queen’s University, dans la cadre d’une cérémonie de remise des diplômes :
« Autrefois, les immigrants de ce pays étaient pénalisés. Aujourd’hui, ceux qui n’adoptent pas le biculturalisme ou le multiculturalisme ont un retard à combler sur le monde. Et ils doivent le combler rapidement. À l’Office, nous voulons engager ceux qui ont une expérience internationale. Si vous avez grandi au nord de Toronto, que vous êtes allé à [une université de la région de Toronto], que vous avez travaillé dans une banque du centre-ville et que pour vous, l’Extrême-Orient, c’est Oshawa, ne postulez pas. […] Un étudiant chinois peut, aussi facilement que vous, postuler un emploi d’une entreprise tout près de chez vous. C’est à vous de trouver comment trouver un emploi tout près de chez lui. »
En passant, en à peine un mois, 1 700 personnes de 20 pays différents ont consulté la section « Carrières » du site Web de l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada.
Nous n’oublions pas le Canada pour autant. Revenons à mes 18 ans. En quittant Toronto pour Peterborough, je me suis éloigné de chez moi plus que le font la plupart des étudiants afin de poursuivre leurs études postsecondaires.
Même si nous vivons dans un pays de 9,9 millions de kilomètres carrés, la plupart des jeunes sont éduqués, de la maternelle à l’université, dans un rayon de 50 kilomètres de leur lieu de résidence. Seul 1 étudiant canadien sur 10 va étudier dans une autre province. C’est compréhensible. Le confort, la connaissance de son milieu, les liens importants avec la famille et l’argent sont autant de facteurs qui l’expliquent.
Imaginez maintenant les avantages pour les étudiants d’élargir leurs horizons en découvrant de nouvelles réalités canadiennes. Ce serait bénéfique pour nous tous. Ne serait-il pas avantageux de pouvoir compter sur des urbanistes qui comprennent aussi bien les besoins des petites collectivités que ceux des grandes villes? Des professeurs ayant vécu, travaillé et étudié dans une collectivité autochtone? Des ingénieurs ayant vu ce qui se passe dans différentes régions du Canada?
En trouvant une façon créative et collaborative d’offrir de nouvelles possibilités de mobilité nationale, nous pourrions redéfinir ce qu’être Canadien veut dire.
Au moment de préparer le 150e anniversaire de la Confédération, en 2017, les universités voient encore plus loin.
Comment les Canadiens se définiront-ils? Saurons-nous nous ouvrir à une perception nettement plus large des notions de « chez soi » et de collectivité? Serons-nous prêts à aller là où les emplois se trouvent et où nos compétences sont vraiment requises?
Et enfin, saurons-nous veiller à ce que chaque Canadien ait la possibilité de réussir?
Moins de 10 pour cent des Autochtones âgés de 24 à 64 ans possèdent un diplôme universitaire, soit environ le tiers de la proportion observée chez les non-Autochtones.
Nous savons qu’une formation universitaire rapporte au Canada et aux Canadiens. Actuellement, le faible taux d’accès des Autochtones à l’université les empêche de participer pleinement à notre économie et à notre société. Il nuit à la cohésion sociale et prolonge les inégalités historiques.
Les universités canadiennes ont établi de nombreux partenariats avec les Premières nations, les Inuits et les Métis. Elles offrent aussi des cours, des activités de sensibilisation, et de l’aide financière. Les étudiants des Premières nations, inuits et métis peuvent obtenir des conseils et du soutien, et maintenir les liens avec leur culture.
Un grand nombre d’universités canadiennes mènent également avec succès des programmes de sensibilisation, de soutien et de mentorat axés sur les jeunes des collectivités autochtones, dès l’école élémentaire.
Prenons, par exemple, le cas de James Harper, un excellent étudiant universitaire titulaire d’une bourse d’études. Jamais il n’aurait cru avoir besoin de soutien à l’université, mais quelque chose lui manquait. Il ne se sentait pas à sa place. Un ami de la University of Manitoba l’a aiguillé vers le programme d’accès aux études d’ingénierie de l’établissement. Ce programme s’adresse aux étudiants d’origine autochtone qui cherchent à être admis en génie. Il met à leur disposition un salon, un laboratoire et un service de mentorat.
M. Harper a tout de suite aimé l’ambiance qui y régnait. Je le cite :
« C’était très facile de m’identifier aux autres, parce que bon nombre d’entre nous ont vécu des expériences semblables, leurs histoires m’intéressent et je veux m’en inspirer : quitter la réserve, s’adapter, surmonter le choc culturel et obtenir son diplôme. »
Ce programme a jusqu’à présent formé plus d’ingénieurs autochtones que tout autre au Canada – 99 d’après les derniers chiffres, et le nombre continue d’augmenter.
Il nous faut davantage de programmes comme celui-là.
Sachons que les universités canadiennes contribuent à la réussite des peuples autochtones.
Les universités canadiennes font d’extraordinaires contributions au pays. Le million de jeunes Canadiens qui sont aux études pour obtenir leur premier grade universitaire seront probablement sur le marché du travail lorsque le Canada fêtera son bicentenaire en 2067.
Voilà pourquoi je vous invite à appuyer note demande pour accroître les possibilités offertes aux jeunes, pour assurer un financement durable à la recherche et à l’infrastructure de recherche, et pour garantir le plein accès des Autochtones aux études postsecondaires.
Nos initiatives doivent faire en sorte que les jeunes qui sont avec nous ici aujourd’hui, de même que leurs camarades de l’ensemble du pays, puissent en bénéficier pendant des décennies. Et ils ne seront pas les seuls, nous en bénéficierons tous.
Merci de votre attention.