Lucie Laflamme, directrice générale de l’Université TÉLUQ, revient sur son parcours de dirigeante et offre des conseils aux futures générations de femmes.
Quels sont les avantages d’avoir des femmes en gestion?
Même si nous ne devons pas généraliser, on retrouve plus souvent chez les femmes gestionnaires des aptitudes émotionnelles, où la bienveillance, l’empathie et la sympathie s’expriment plus facilement. Cette capacité à mieux comprendre ses émotions, comme à composer avec celles des autres, permet souvent de dénouer des situations complexes. Selon moi, l’intelligence émotionnelle devient aujourd’hui une aptitude aussi importante que la maîtrise des concepts RH ou ceux de la finance.
Quel est l’obstacle le plus important qui s’oppose au leadership des femmes?
L’obstacle le plus important au leadership des femmes est souvent… les femmes elles-mêmes! Sensibilisées très tôt, et bien malgré elles, au concept du plafond de verre, elles s’imposent souvent des limites dans leur parcours vers le pouvoir, quel qu’il soit. Que ce soit en hésitant à répondre à une offre d’emploi, car elles n’ont pas tous les atouts en main, ou simplement en leur doute de continuer à progresser. Les femmes ont parfois le réflexe de se dire non, avant même que l’environnement ou l’entourage le fasse. Mais là aussi, ce manque de confiance, involontairement entretenu par des générations bien avant nous, tend à changer avec la multiplication de figures féminines fortes, au pouvoir et qui s’assument!
Quelle est l’importance d’être mentorée pour s’épanouir dans un poste de gestion?
Une bonne mentore est une personne qui rassure, qui écoute avec bienveillance, mais sans complaisance, et qui sait nous donner l’envie et le courage d’assumer de nouvelles responsabilités. Mais par son exemplarité, c’est aussi une personne qui sait (re)donner confiance en cette petite voix qui guide notre intuition, cette voix souvent ignorée dans l’univers rationnel et politisé de la gestion d’organisations.
Mais là aussi, attention de ne pas généraliser. Un bon mentor peut aussi être un homme, à l’aise avec ce concept de vulnérabilité que l’on doit oser exprimer pour savoir en faire un atout. Et si dans ma carrière, je n’ai eu la chance que d’avoir des mentors féminins, je sais qu’aujourd’hui ce profil inspirant masculin est plus présent dans nos organisations. Et femmes comme hommes, nous en ressortons tous gagnants!
Comment équilibrer carrière, vie personnelle et passe-temps? Est-ce même possible?
Ce fragile équilibre n’est pas juste possible, il est absolument nécessaire et impératif! Si on pense pouvoir le contourner à court terme, son absence aura un jour ou l’autre un impact qui peut être dévastateur. Ainsi va la vie…
Dans ma vie, j’ai une astuce que je m’impose depuis toujours : tous mes moments pour moi – famille, loisirs et passions – sont notés dans mon agenda (en mode privé) au même titre que mes rendez-vous professionnels. Ils occupent une place à part entière au-delà de mes horaires de travail. La fin de semaine, je suis maître de mon horaire. Si je dois travailler, je le fais, mais je m’assure aussi de ne jamais me laisser envahir malgré moi. Cela semble simple, exprimé ainsi, mais c’est une vigilance de tous les instants. Il est en effet aussi nécessaire que d’habitude d’avoir le courage de dire non ou de poser ses limites lorsque vient le temps de préserver notre espace personnel.
Et plus que tout, nous devons faire la paix avec ce sentiment sournois de culpabilité que l’on peut vivre si on priorise temporairement une sphère au détriment de l’autre. Cet équilibre, souvent imparfait, peut être changeant, parfois instable, mais il doit toujours être gardé de vue si l’on ne veut pas se perdre soi-même. L’indulgence commence par soi-même.
Quel conseil donneriez-vous à la prochaine génération de dirigeantes?
En complément de ce que j’ai exprimé plus haut, j’ajouterai simplement « Mesdames, arrêtez de vous mettre vos propres limites, les autres le feront bien assez tôt ». Ayons le courage de demander de l’aide lorsque nous en ressentons le besoin et voyons-le comme un signe de lucidité si nécessaire dans notre carrière. Cette lucidité qui forge ma croyance que si j’ai besoin de cette aide, ce n’est pas parce que je ne suis pas bonne, mais plutôt parce que je veux être meilleure. En agissant ainsi, notre coffre à outils sera mieux garni et fera de nous des gestionnaires justes et rassembleuses. Et même si personne n’est parfait, nous pourrons être des leaders assumées, sereines et influentes au service d’une cause ou d’une mission qui nous dépasse comme celle de notre université qui nous survit à tout coup !