S’entraider pour faire progresser le respect et la réconciliation

26 septembre 2019

Cet article d’opinion a paru dans l’Affaires universitaires le 26 septembre 2019

par Jamie Cassels, recteur de l’Université de Victoria et Asima Vezina, rectrice de l’Université Algoma

Les universités et les collèges du Canada répondent activement aux appels à l’action lancés par la Commission de vérité et réconciliation, ce qui s’avère plus complexe et ardu que ce que beaucoup prévoyaient. En réponse aux appels à l’action de la Commission, en 2015, le milieu universitaire a créé, en partenariat avec Universités Canada, le Forum sur la réconciliation qui se tient annuellement et où les participants échangent et parlent de leurs expériences. Ils joignent ainsi leurs efforts pour faire progresser positivement cette démarche. Cet événement est devenu un rendez-vous où on examine comment combler l’écart en matière d’éducation entre les personnes autochtones et non autochtones, renforcer les capacités de la prochaine génération de leaders autochtones et d’alliés non autochtones, favoriser la nomination de dirigeants autochtones à la direction des campus et faire progresser les projets de recherche autochtone.

En novembre 2018, l’Université de Victoria a été l’hôte du 4e Forum, dont le thème était Ts’its’u’ watul tseep, qui signifie « s’entraider » en langue hul’q’umi’num’. Près de 250 dirigeants du milieu universitaire, des collectivités autochtones et du gouvernement s’y sont réunis pendant deux jours. Ils ont échangé sur la nécessité de reconnaître les véritables et troublantes répercussions du passé colonial au pays, en particulier le fait que l’éducation (sous la forme des pensionnats autochtones) a servi de mécanisme d’assimilation et a été la source d’une violence qui a grandement touché les peuples autochtones à l’échelle du pays.

Les participants ont convenu que l’éducation offre une voie à suivre et que les universités peuvent, et doivent, contribuer à la réparation des torts causés ainsi qu’à la réalisation de projets de réconciliation dans la forme définie par les nations et les collectivités autochtones. Le sénateur Murray Sinclair, commissaire en chef de la Commission de vérité et réconciliation, a résumé tout simplement la question : « L’éducation est à l’origine du problème et elle en sera la solution. »

Dans ce contexte, le choix du lieu où se tiendra, du 8 au 10 octobre, le 5e Forum prend toute son importance et c’est l’Université Algoma, qui occupe les locaux de l’ancien pensionnat autochtone Shingwauk, qui accueillera le Forum organisé pour la première fois conjointement par plusieurs établissements, soit l’Institut Shingwauk Kinoomaage Gamig, l’Université Nipissing, l’Université du Cap Breton, l’Université du Nord de la Colombie-Britannique et l’Université Algoma. Le forum donnera lieu à une réflexion sur la contribution que peuvent apporter les universités canadiennes, alors que s’amorce une nouvelle période quinquennale dans la démarche de réconciliation. Guidés par des membres de la communauté des survivants formant la Children of Shingwauk Alumni Association, en compagnie de partenaires de recherche et des conservateurs du musée, les participants pourront aussi effectuer une visite du site historique du pensionnat Shingwauk.

Nous ne prétendons pas savoir sur quoi débouchera le processus de réconciliation, mais pour y parvenir, il ne suffira certainement pas de remplir une simple liste d’exigences. Les appels à l’action de la Commission définissent des objectifs et tracent le chemin à parcourir pour bâtir un avenir commun. Ainsi, nous devons joindre nos forces pour atteindre des objectifs encore plus ambitieux : rétablir les liens brisés, réparer les torts causés par le colonialisme et mener à terme le travail inachevé de la Confédération. La réconciliation nous oblige à aborder les difficiles sujets de la redistribution des pouvoirs et de la réforme des institutions sociales, économiques et politiques. Qu’est-ce que ça signifie pour les universités?

Premièrement, nous devons nous préparer au travail ardu qui nous attend et discuter ouvertement des questions qui découlent de nos décisions, de nos dispositifs de gouvernance, de nos méthodes de recherche et d’enseignement ainsi que de nos épistémologies dominantes. Les hauts dirigeants des établissements postsecondaires doivent prendre conscience que nombre de principes admis et de privilèges actuels font obstacle au changement.

Deuxièmement, les universités doivent reconnaître que le travail sera difficile, sans pour autant se laisser décourager. Créer une nouvelle relation n’est ni un acte, ni un geste, ni un accomplissement. Et c’est encore moins une stratégie de mise en valeur. Il s’agit d’un engagement constant dont il faut assurer la pérennité.

Troisièmement, la collaboration et l’entraide ne signifient pas que tous les établissements doivent adopter exactement la même stratégie. Il existe plus de 600 Premières Nations au Canada. Les quelque 250 collèges et universités du pays doivent donc miser sur la force de la diversité. Si nous voulons agir de manière efficace et durable, il faut tirer parti des particularités de chaque établissement, en plus de répondre aux besoins et aux intérêts des étudiants et des collectivités autochtones de chaque région.

La réconciliation est peut-être notre plus grand défi social, mais elle peut aussi être une occasion formidable. Nous devons mener cette démarche avec ambition, pragmatisme et humilité. Mais il nous faut aussi éviter de voir trop grand, de faire des promesses exagérées et de créer des attentes irréalistes. Centrons-nous sur notre mission d’enseignement et de recherche pour bâtir ensemble un avenir meilleur. Hay’sxw’qa et miigwech.

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