Cet article d’opinion a paru dans La Presse + le 7 avril 2017
par Robert Proulx, recteur d’UQAM et membre du conseil d’administration d’Universités Canada
On dit souvent que le diable est dans les détails. Dans le cas du budget fédéral 2017, c’est tout le contraire.
En effet, à première vue, le budget 2017 semble parcimonieux envers les universités. Alors que l’an dernier, on enregistrait une hausse record du financement accordé aux organismes subventionnaires de la recherche, cette année, le scénario est tout autre. Ainsi, en dépit des souhaits exprimés par les chercheurs et bien que les besoins de soutien à la recherche fondamentale demeurent des plus importants, aucun des trois conseils fédéraux – CRSNG, CRSH, IRSC – n’a vu son budget annuel augmenter.
La Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) se retrouve dans la même situation. Certes, le financement obtenu en 2015 permettra à l’organisme de maintenir ses activités jusqu’en 2018, mais investir dans les infrastructures de recherche demeure essentiel pour que les universités canadiennes gardent le cap en matière d’innovation et d’excellence scientifique.
La demande légitime du milieu universitaire pour un engagement gouvernemental substantiel en matière de soutien à la recherche trouvera peut-être réponse dans le rapport final de l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale qui doit être déposé sous peu. Attendus avec impatience par les universités et les chercheurs, le rapport et ses recommandations devraient permettre au gouvernement – il faut l’espérer ! – de mieux planifier son réinvestissement stratégique dans la recherche fondamentale, et ce, dans tous les domaines de l’activité scientifique.
S’il est vrai que le budget 2017 n’a pas répondu à toutes les attentes, une lecture plus fine permet néanmoins de relever certaines mesures qui répondent aux préoccupations des universités.
Ainsi, une place de choix a été réservée aux initiatives visant l’apprentissage tout au long de la vie, qui fait partie intégrante de la mission universitaire. Rappelons les faits : chaque année plus de 400 000 personnes, au Canada, suivent des formations continues offertes par les universités.
Prêts et bourses
En ce qui a trait au renforcement des compétences, la réforme du programme canadien de prêts et bourses, qui ne prendra forme qu’avec l’appui des provinces, survient à point nommé. Par un assouplissement des règles, les étudiants à temps partiel, les étudiants parents et les adultes qui retournent aux études pourront pleinement bénéficier du programme. Ce faisant, le gouvernement favorisera tant l’accès élargi au savoir que l’amélioration des trajectoires professionnelles des Canadiens.
Reconnue comme une précieuse valeur ajoutée à la formation, l’acquisition d’une expérience pratique par les étudiants est plus pertinente que jamais. Grâce au financement de 221 millions de dollars sur cinq ans, Mitacs pourra offrir 10 000 stages annuellement aux étudiants des cycles supérieurs et aux stagiaires postdoctoraux, donnant ainsi un sérieux coup de pouce à la relève.
Autochtones
Il convient aussi de se réjouir du financement accordé au Programme d’aide aux étudiants de niveau postsecondaire qui bénéficiera de 90 millions sur deux ans pour permettre à plus de 4600 étudiants autochtones d’avoir accès à l’enseignement supérieur. Saluons également les nouveaux investissements de 5 millions sur cinq ans destinés à Indspire, un organisme géré par des Autochtones qui, par l’entremise de bourses d’études, encourage les jeunes Inuits, Métis et membres des Premières Nations à poursuivre une formation postsecondaire.
Ces investissements contribueront assurément à générer des initiatives porteuses au sein des universités. Pour ne citer qu’un exemple, l’UQAM vient d’annoncer la création d’un groupe de travail sur la réconciliation avec les peuples autochtones. Son mandat touchera la mise en œuvre et le suivi de mesures facilitant l’accès, l’accueil, l’intégration et la réussite des étudiants autochtones.
Des projets répondant à des besoins particuliers de formation seront également lancés, dont une première école d’été créditée qui, en partenariat avec Femmes autochtones du Québec, visera à favoriser chez les femmes leaders l’acquisition de connaissances et le développement de compétences en matière de gouvernance, tant dans les communautés que dans les milieux urbains.
Ce budget envoie donc des signaux positifs aux établissements d’enseignement supérieur. L’intention de nommer un conseiller scientifique en chef – une fonction qui existe déjà au Québec et qui a fait ses preuves – peut être interprétée comme un heureux présage de l’importance accordée à la recherche. Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
Le gouvernement doit démontrer qu’il entend les préoccupations des universités.
L’heure est venue d’assurer la pérennité de la structure de financement de la recherche fondamentale. En plus d’appuyer l’ensemble des chercheurs canadiens, un réinvestissement en recherche permettrait de créer des conditions favorables à l’attraction de chercheurs internationaux de renom aux prises avec le climat d’incertitude qui prévaut en ce moment aux États-Unis et en Europe. C’est l’occasion idéale d’envoyer un message clair soulignant que l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation sont indissociables de toute stratégie visant à permettre à notre société de relever les défis d’aujourd’hui et de demain, qu’ils soient d’ordre social, économique, culturel ou environnemental.
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