Cet article d’opinion a été publié dans le Globe and Mail le lundi 29 juin 2015.
Par Tim McTiernan, recteur et vice-chancelier du University of Ontario Institute of Technology (UOIT) et membre du conseil d’administration d’Universités Canada
Pour la plupart d’entre nous, la fête du Canada est synonyme de congé, de gâteau rouge et blanc ainsi que de feux d’artifice au crépuscule. Comme tout anniversaire, celui du Canada peut tourner à une autocélébration qui ne tient pas compte de l’ère dans laquelle nous sommes entrés. Dans l’esprit des récentes recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation, la fête du Canada doit cette année être l’occasion de réfléchir à l’intégration de tous au sein de la fédération canadienne, vieille de 148 ans, et à ce que notre pays souhaite devenir grâce à la réconciliation.
Les recommandations de la Commission donnent amplement matière à réflexion. La Commission appelle au renouvellement de la relation entre les Premières nations et les collectivités non autochtones où les universités ont un rôle clé à jouer. La Commission appelle d’ailleurs les établissements d’éducation à collaborer avec les collectivités autochtones et à devenir les chefs de file de la réconciliation.
Les universités sont sensibles à cet appel et elles sont prêtes à faire plus que jamais.
Organisation nationale représentant 97 universités réparties dans l’ensemble du pays, Universités Canada dévoilera cette semaine ses nouveaux principes en matière d’éducation des Autochtones. Ces principes élaborés par les dirigeants universitaires au cours de l’année reflètent la détermination commune des universités canadiennes à accroître les possibilités offertes aux Autochtones en matière d’éducation (de la maternelle aux cycles supérieurs), ainsi que pour la réconciliation à l’échelle du Canada.
L’enseignement supérieur peut grandement contribuer au renouvellement de la relation entre Autochtones et non-Autochtones au Canada. La cohabitation des savoirs occidentaux et autochtones sur les campus est de nature à susciter le dialogue interculturel, à améliorer la compréhension mutuelle et à faire bouger les choses.
Il est impératif d’agir, pour des raisons morales, sociales et économiques.
La population autochtone du Canada s’accroît six fois plus rapidement que sa population non autochtone. Notre pays compte 560 000 jeunes Autochtones. Imaginez le potentiel que cela représente! Cependant, seuls 10 pour cent des Autochtones du Canada possèdent un diplôme universitaire, comparativement à 26,5 pour cent pour l’ensemble la population canadienne. C’est presque trois fois moins. Le potentiel ne peut être exploité en l’absence de possibilités et de soutien.
Les lacunes du Canada en matière d’éducation des Autochtones privent beaucoup trop d’entre eux de la qualité de vie à laquelle la plupart d’entre nous avons droit aujourd’hui. L’éducation a le pouvoir de transformer des vies, de soutenir les cultures et de renforcer les collectivités.
Les universités sont déterminées à agir pour combler les lacunes actuelles en matière d’éducation des Autochtones. Parmi les 13 principes qui seront dévoilés cette semaine figure l’engagement des établissements de tous niveaux à multiplier les possibilités offertes aux élèves et aux étudiants Autochtones, sur tous les plans : partenariats communautaires, aide financière, soutien pédagogique et mentorat, parmi autres.
Ces principes reconnaissent l’importance d’adapter les programmes d’études et d’accroître le nombre d’Autochtones titulaires de postes de direction à tous les échelons du milieu universitaire.
Plus que le soutien individuel, les principes affirment la nécessité d’adapter une démarche globale, d’ouvrir le dialogue et d’interagir de manière significative. Ils reconnaissent l’importance de mettre les étudiants non autochtones en contact avec les réalités, l’histoire, la culture et les croyances des peuples autochtones du Canada afin de les amener à mieux les connaître. Ils soulignent enfin la nécessité de renforcer les échanges interculturels entre les étudiants, les professeurs et les membres du personnel autochtones et non autochtones.
Une dynamique en ce sens est déjà engagée. Beaucoup des principes s’appuient sur les efforts déjà en cours.
Il existe actuellement au sein des universités canadiennes plus de 350 programmes destinés à favoriser l’accès des Autochtones aux études universitaires, et leur réussite, et de nouvelles initiatives se profilent à l’horizon.
La plupart des universités canadiennes entretiennent des partenariats avec les collectivités autochtones locales. En plus de proposer un soutien sur leurs campus, beaucoup d’établissements ont mis en place des programmes d’action communautaire efficaces, offrant un soutien éducatif et des possibilités de mentorat dès l’élémentaire.
Près de trois universités sur cinq offrent des conseils personnalisés visant à répondre aux besoins particuliers des étudiants autochtones.Par exemple, le Baagwating Indigenous Centre du University of Ontario Institute of Technology (UOIT) offre un soutien assuré par des conseillers et des aînés sur campus et hors campus.Je cite Angela Nagy, étudiante algonquine en criminologie : « En tant que membre des Premières nations, ce centre de ressources est pour moi un symbole, la preuve que je suis appréciée et célébrée ici à la UOIT et que ma culture n’est pas oubliée. C’est très important pour moi. »
Nous devons écouter les jeunes comme Angela.
J’ai pu constater l’incroyable potentiel des jeunes Autochtones non seulement ici au UOIT, mais également lorsque j’ai vécu et travaillé dans le nord de l’Ontario, au Yukon et en Colombie-Britannique comme haut fonctionnaire responsable des politiques d’éducation.Après six années d’audiences et au terme des événements de juin qui ont marqué la clôture des travaux de la Commission de vérité et réconciliation, j’adopte, comme beaucoup de Canadiens, une nouvelle vision du pouvoir de la réconciliation. J’entrevois l’avenir avec optimisme.
Les universités canadiennes deviendront les chefs de file que la Commission les appelle à être.À l’heure où nous réfléchissions aux multiples dimensions du sens réel de la fête du Canada, les dirigeants universitaires doivent agir pour renouveler la relation entre Autochtones et non-Autochtones, par l’éducation, le dialogue et l’action collective.À l’approche du 150e anniversaire du Canada en 2017, il est temps de s’engager sur la bonne voie.