Cet article d’opinion a paru dans le Hill Times le 10 décembre 2018
par Paul Davidson, président-directeur général d’Universités Canada etPerrin Beatty, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Canada
Tout pays qui souhaite réussir dans notre économie mondiale en évolution a besoin d’une main-d’œuvre ouverte sur le monde. Les études à l’étranger jumelées à des possibilités d’apprentissage par l’expérience constituent l’une des meilleures façons d’acquérir cette ouverture. Ainsi, pour répondre à ce besoin croissant du marché du travail, le Canada doit permettre à un plus grand nombre de jeunes étudiants talentueux d’aller à l’étranger.
Actuellement, moins de 11 pour cent des étudiants universitaires canadiens font un séjour d’études à l’étranger. À titre de comparaison, en France, 32 pour cent des étudiants au premier cycle font un séjour à l’étranger; et les États-Unis se sont fixé l’objectif de doubler la participation des étudiants à l’éducation internationale d’ici dix ans. Alors pour être concurrentiel sur la scène internationale, le Canada doit faire mieux.
Pourquoi est-ce si important pour les entreprises? Notre monde évolue rapidement et les employeurs canadiens ont besoin d’une main-d’œuvre sensibilisée à la culture, résiliente et capable de s’adapter — possédant des compétences en résolution de problèmes et en communication et ayant l’esprit d’équipe; toutes des compétences acquises grâce aux expériences d’études à l’étranger.
Les employeurs canadiens ont besoin des étudiants possédant une expérience internationale
Vivre une expérience à l’étranger pousse à sortir de sa zone de confort, à s’adapter, à trouver des solutions et à persévérer devant l’adversité. Les leçons que les étudiants tirent d’une expérience en terrain inconnu sont bénéfiques pour eux et pour leurs éventuels employeurs à leur retour au pays.
Les avantages des études à l’étranger ne sont pas que des cas isolés. Une étude réalisée en 2014 auprès de 78 000 étudiants européens a révélé que les étudiants qui avaient vécu une expérience à l’étranger possédaient de meilleures compétences que les autres sur le plan de la résolution de problèmes, des communications, du travail d’équipe, de la résilience et de l’adaptabilité. Parallèlement, une étude réalisée par l’Institute of International Education des États-Unis indique que les études internationales contribuent à l’acquisition de compétences interculturelles et interpersonnelles, et favorisent la curiosité, la souplesse, la confiance et la conscience de soi; des atouts que les entreprises recherchent pour établir ou resserrer leurs relations internationales. Il n’est donc pas étonnant que des pays comme les États-Unis, l’Australie, la France et l’Allemagne, entre autres, améliorent les programmes qui permettent d’envoyer un nombre accru d’étudiants à l’étranger.
De nombreux employeurs canadiens affirment que ces compétences dites « humaines » sont davantage prisées que les compétences techniques ou spécialisées. D’après le sondage de 2018 du Baromètre mondial de la confiance des entreprises d’EY, réalisé annuellement auprès de cadres supérieurs des marchés intermédiaires internationaux, seuls 12 pour cent des employeurs recherchent d’abord des compétences spécialisées, alors que des traits comme l’esprit d’équipe (31 pour cent), l’autonomie (16 pour cent) et le leadership (11 pour cent) sont considérés comme aussi importants sinon plus.
D’autres sondages révèlent que 80 pour cent des responsables de l’embauche canadiens considèrent les diplômés dotés d’une compréhension interculturelle et de la connaissance d’un marché étranger comme des atouts. Cela ne devrait pas surprendre dans un pays où 70 pour cent du PIB provient du commerce.
Un égalisateur social
Les avantages des études à l’étranger ne se limitent pas à l’économie : à leur retour, les étudiants se trouvent grandement enrichis de cette expérience. Et on constate que les retombées en sont maximisées chez les étudiants issus de milieux moins favorisés.
Un rapport du Royaume-Uni paru en 2017 dévoile que les étudiants qui ont fait des études à l’étranger gagnent en moyenne 6,1 pour cent de plus que les autres. Plusieurs universités canadiennes ont déjà pris des mesures pour accroître les possibilités offertes aux étudiants issus de milieux moins nantis. C’est l’objectif du programme de subventions Global Indigenous Solidarity de la Ryerson University et du programme d’échange Indigenous International Work-Integration Learning de la University of Victoria.
Alors, malgré le fait que 97 pour cent des universités canadiennes en offrent la possibilité, pourquoi y a-t-il si peu d’étudiants qui font un séjour à l’étranger dans le cadre de leurs études? Pour plusieurs, ce sont les contraintes financières qui freinent leur ambition.
Des progrès ont toutefois été accomplis au cours des dernières années pour permettre à un nombre accru d’étudiants de vivre cette inestimable expérience. Le programme de bourses de la reine Elizabeth II en est un bon exemple. Depuis 2012, ce programme a donné à plus d’un millier d’étudiants l’occasion d’aller à l’étranger et de devenir ainsi des citoyens du monde, tout en faisant la promotion du Canada comme destination de choix pour les meilleurs chercheurs du monde.
Toutefois, nous devons faire encore bien davantage pour former la main-d’œuvre dont les entreprises canadiennes ont besoin pour livrer concurrence au pays et à l’étranger.
La voie à suivre
Dans le rapport phare du groupe d’étude sur l’éducation mondiale, publié en 2017, des dirigeants des milieux de l’éducation et des affaires ciblent comme objectif de permettre à 25 pour cent des étudiants canadiens de niveau postsecondaire de vivre une expérience d’apprentissage à l’étranger au cours des dix prochaines années, et proposent et un plan pour y parvenir.
L’initiative Expérience internationale Canada proposée dans le rapport permettrait d’abord à 15 000 étudiants canadiens par année de faire un séjour à l’étranger, et d’augmenter ce nombre à 30 000 par année d’ici 10 ans. L’initiative comprendrait également des programmes pour accroître la participation des étudiants à faible revenu ou issus de groupes sous-représentés, et augmenterait la proportion d’étudiants qui se rendent dans les économies émergentes, qui représentent maintenant près de 60 pour cent du PIB mondial.
Certains de nos partenaires et de nos compétiteurs investissent déjà massivement dans de telles initiatives. Le Canada accuse un retard sur ce plan, et les conséquences pour son économie pourraient être considérables. Il est temps, dans le budget de 2019, de faire des investissements dans les études à l’étranger et dans le marché du travail canadien.
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