Lettre d’opinion parue dans le Times Colonist le 25 mars 2016.
par Ralph Nilson, recteur et vice-chancelier, Vancouver Island University
En décembre dernier, le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation a marqué l’amorce d’une nouvelle relation entre les populations autochtones et non autochtones du Canada. Pour faire de cette nouvelle relation une réalité vivante, les universités doivent jouer un rôle déterminant. Elles en ont l’obligation morale, sociale, culturelle et économique.
Les Canadiens souhaitent l’avènement de cette nouvelle relation. Et le nouveau gouvernement fédéral est déterminé à ce qu’elle se concrétise, comme en témoigne son budget de 2016.
L’investissement de 8,4 milliards de dollars sur cinq ans annoncé par le gouvernement va transformer les choses. Cette transformation passera par l’éducation, l’infrastructure, la formation et toute une série de programmes qui contribueront directement à améliorer de la qualité de vie des Autochtones et à renforcer le Canada.
Le gouvernement entend consacrer des milliards de dollars pour répondre aux besoins fondamentaux – comme la qualité de l’eau potable, les logements adéquats et les soins de santé dans les réserves ainsi qu’au sein des collectivités inuits et du Nord. Il a également décidé d’investir des sommes considérables pour l’enseignement primaire et secondaire dans les réserves, en y allouant 2,6 milliards de dollars sur cinq ans. Cet investissement témoigne d’un engagement important à améliorer le système d’éducation dans les réserves « par la mise en place d’un processus respectueux de consultation et de partenariat avec les Premières Nations ».
Les dirigeants universitaires de l’ensemble du Canada se réjouissent de ces investissements, qu’ils considèrent comme un pas important pour réduire l’écart en matière d’éducation au Canada. Actuellement au pays, seul 1 adulte autochtone sur 10 possède un diplôme universitaire, contre 1 adulte non autochtone sur 3.
Le gouvernement a promis de collaborer avec les étudiants, les parents, les éducateurs et les groupes autochtones au déploiement d’une stratégie efficace afin d’offrir aux élèves désireux de poursuivre des études postsecondaires un accès aux ressources et au soutien nécessaires.
Les universités canadiennes accueillent favorablement ce dialogue et l’engagement du gouvernement à aller de l’avant. Au Canada, la population autochtone croît six fois plus vite que la population non autochtone. Notre pays doit tirer parti des talents, des compétences et du savoir de la nouvelle génération autochtone.
Au sein des universités, le changement est amorcé, et s’accentuera au cours des prochaines années. Déjà, près des deux tiers des universités canadiennes proposent des programmes de transition destinés à favoriser la réussite des étudiants autochtones. Soixante-dix pour cent d’entre elles offrent des services de consultation adaptés aux étudiants autochtones, et les trois quarts proposent des activités culturelles autochtones. Un tiers des programmes universitaires destinés aux étudiants autochtones sont par ailleurs offerts à l’extérieur des campus pour permettre aux membres des collectivités éloignées d’y avoir accès.
L’an dernier, les universités canadiennes ont adopté une série de principes témoignant de leur engagement commun à accroître les possibilités d’études offertes aux étudiants autochtones et à favoriser la réconciliation, partout au Canada.
À la Vancouver Island University, nous nous sommes fait un devoir d’accroître le nombre de professeurs autochtones dans nos rangs, de financer des chaires de recherche destinées aux Autochtones ainsi que de tirer parti du savoir des aînés autochtones et de leurs compétences en matière d’enseignement. Nous proposons des programmes d’études qui font une place à l’histoire et à l’expérience des Autochtones. En 2008, nous avons choisi comme chancelier Shawn A-in‑chut Atleo, ancien chef de l’Assemblée des Premières Nations, qui est ainsi devenu le tout premier chancelier autochtone de l’histoire de la Colombie-Britannique.
Le changement et le renouvellement véritables exigent un dialogue entre collectivités. Quand il s’engage et perdure, ce dialogue profite à tous. C’est pourquoi les trois quarts des universités canadiennes sont partenaires de collectivités autochtones locales, auxquelles elles proposent soutien éducatif et mentorat dès l’école primaire. En retour, les universités profitent du savoir ancestral des aînés et des autres dirigeants de ces collectivités.
À la Vancouver Island University, nous favorisons le dialogue avec les aînés et les artistes autochtones, sur les campus et hors campus. Nous nous employons en outre à étendre ce dialogue à l’ensemble de la collectivité – par exemple, en commanditant une série sur les Premières nations dans le cadre de l’émission Ideas, diffusée sur CBC Radio. Nos programmes de sensibilisation menés en partenariat avec les collèges communautaires aident les jeunes des Premières Nations à avoir accès aux études universitaires et à s’y préparer.
L’amélioration de l’accès aux études universitaires va transformer à la fois la vie des jeunes Autochtones et la société canadienne. La rencontre des savoirs occidental et autochtone sur les campus a le pouvoir d’ouvrir le dialogue entre les cultures. Plus les diplômés universitaires autochtones intègrent des milieux professionnels, plus les stéréotypes disparaissent. J’assiste chaque jour à ce processus.
Je félicite le gouvernement canadien de son engagement à œuvrer à la réconciliation et à multiplier les possibilités offertes aux étudiants autochtones.
Au cours des vingt prochaines années, le nombre de retraités doublera tandis que la main-d’œuvre n’augmentera que de huit pour cent au Canada. Le Canada aura donc besoin d’une nouvelle génération de travailleurs instruits. La jeunesse autochtone pourra contribuer à combler ce besoin, pourvu qu’elle ait accès aux études postsecondaires. Selon les estimations du gouvernement fédéral, 75 pour cent des emplois créés au cours de la prochaine décennie exigeront une formation postsecondaire.
La réconciliation et la transformation sont de vastes projets. Pourtant, l’une et l’autre commencent à devenir réalité au sein des collectivités et sur les campus, à l’échelle pancanadienne. Le cadre est en place : les partenaires partagent une même vision, et de plus en plus de jeunes Autochtones aspirent à des études postsecondaires, partout au pays.
L’avènement d’une véritable égalité des chances exigera toutefois une détermination et des efforts soutenus au cours des décennies à venir. Cette route, bien que longue, sera une source collective d’enrichissement.