Cet article d’opinion a paru dans la revue Options politiques le 13 avril 2017
par Paul Davidson, président-directeur général, Universités Canada
Le rapport tant attendu du Comité consultatif sur le soutien fédéral à la science fondamentale est à la fois un cadre stratégique et un signal d’alarme.
Se fondant sur 1 200 documents écrits et une dizaine de tables rondes ayant réuni 230 chercheurs, il trace la voie vers un meilleur écosystème de recherche au Canada. Il établit un portrait sans équivoque de ce qui se produira si nous n’agissons pas immédiatement.
Le « nous » représente tous les organismes subventionnaires gouvernementaux, les universités et les chercheurs. Nous avons tous intérêt à ce que la capacité du Canada en matière d’excellence en recherche soit rétablie, et nous ne pouvons nous permettre de tergiverser. Il est urgent que nous abordions l’insuffisance du financement.
L’enjeu
Au cours des dix dernières années, l’investissement fédéral en matière d’innovation en recherche a chuté, et le Canada accuse un retard par rapport à d’autres pays. Les fonds réels d’immobilisations dans la recherche dirigée par des chercheurs indépendants ont diminué de 30 pour cent. L’aide financière accordée par le gouvernement fédéral en recherche et développement (R-D) dans l’enseignement supérieur représente moins de 25 pour cent des dépenses totales – ce qui est aberrant par rapport à d’autres pays.
Nous ne pouvons nous endormir dans une fausse certitude que tout ira pour le mieux puisque notre pays a toujours su exercer une grande influence sur la scène internationale. Le Canada compte 1 pour cent de la population mondiale et génère 4 pour cent des publications scientifiques. Nous avons fait des découvertes révolutionnaires mondialement reconnues en physique, en génomique, en astronomie, en technologies de l’information et en médecine clinique. Au cours de la seule année 2015, les chercheurs canadiens se sont vu décerner quelque 24 prestigieux prix scientifiques internationaux.
Pourtant, la vérité est que non seulement nous peinons à suivre la cadence, mais que nous commençons également à prendre sensiblement du retard. Le financement de programmes tels que les Chaires de recherche du Canada stagne depuis 2000, dépassé par l’inflation, nos pairs et le nombre croissant de candidats. En 2006, les universités canadiennes occupaient le troisième rang parmi les pays membres de l’OCDE pour le pourcentage de PIB consacré aux dépenses en R-D.
Nous courons le risque de gaspiller notre potentiel, de perdre la dynamique que nous avons générée. Nous savons que nous avons le talent, la technologie, l’infrastructure et les atouts de nos universités pour occuper le premier rang en matière d’innovations et de découvertes qui peuvent améliorer la vie des citoyens du Canada et du monde entier. Nous en avons été témoins; nous l’avons prouvé.
Sans soutien adéquat, la prochaine génération de chercheurs ne pourra pas réaliser son potentiel – et nous avons déjà investi en eux, non seulement en ce qui concerne les projets, les installations et l’enseignement, mais aussi sur les plans de l’inclusion et de l’égalité. Il s’agit de notre groupe de chercheurs le plus diversifié. Sa capacité de réussite est immense. Mais un soutien approprié est essentiel pour la concrétiser.
Le financement est le point de départ
Le rapport du Comité consultatif – Investir dans l’avenir du Canada : Consolider les bases de la recherche au pays – démontre non seulement que nous devons appuyer une évolution des politiques, mais il offre des propositions concrètes en matière de changements à adopter. D’abord et avant tout, le gouvernement fédéral doit commencer à réinvestir en recherche le plus tôt possible afin que les plus brillants chercheurs du Canada puissent se mettre au travail ici au pays.
Actuellement, les universités doivent assumer plus de 50 pour cent des coûts de la recherche, ce qui a une incidence sur la recherche et l’enseignement. Un engagement accru du gouvernement fédéral permettra non seulement de hausser la qualité et la quantité des projets dans les universités partout au pays, mais aussi d’améliorer la formation de la prochaine génération de scientifiques et d’universitaires. Le rapport recommande une augmentation du financement accordé par le gouvernement fédéral de 3,5 à 4,8 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années.
Le Comité formule d’autres recommandations importantes. Des changements structurels faciliteraient l’accès au financement et amélioreraient la communication entre les quatre organismes subventionnaires fédéraux du Canada. Une meilleure coordination entre les universités. Mais ce qui est le plus urgent c’est de réinvestir immédiatement. La prochaine génération n’attend plus qu’à être motivée, appuyée et orientée vers la réalisation de son potentiel, le Canada, à devenir une puissance mondiale en recherche, et les collectivités partout au pays, à profiter des retombées.
Les problèmes mondiaux comme les changements climatiques, les inégalités en matière de revenus, les maladies infectieuses et les migrations humaines exigent des solutions novatrices. Alors que les esprits et les frontières se ferment de plus en plus, le Canada a l’occasion de reprendre sa place comme chef de file en recherche novatrice. Nous avons la preuve. Nous avons le plan. Il est maintenant temps d’agir.
-30-