Cet article d’opinion a paru dans le magazine Options politiques le 14 février 2017
par Tanya van Biesen, directrice générale, Catalyst Canada, et conférencière à Carrefour 2017, organisé par Universités Canada.
Il faut établir des cibles pour atteindre une représentation équitable des femmes au sein des conseils d’administration et des équipes de direction.
Le discours à propos des femmes siégeant aux conseils d’administration a changé depuis deux ans : on ne se demande plus pourquoi il faut davantage de femmes à la table, mais plutôt comment les recruter, et rapidement. Cet état de fait est dû en partie à des modifications aux dispositions de la loi sur les valeurs mobilières qui favorise une représentation accrue des femmes au sein des conseils d’administration et dans les postes de direction.
Des mesures concrètes ont été prises à cet égard, mais nous sommes encore loin du but ultime, soit la parité hommes-femmes dans la composition des conseils d’administration et à tous les échelons des entreprises. Les organisations ne peuvent livrer concurrence efficacement dans l’économie mondiale en misant sur le talent de seulement la moitié de la main-d’œuvre. Elles peuvent et doivent s’efforcer de créer des milieux de travail inclusifs qui reconnaissent, forment et font progresser à la fois les hommes et les femmes.
En septembre 2015, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont rendu public un examen des progrès réalisés relativement aux modifications des règles de divulgation pour les sociétés cotées en bourse. L’examen a révélé qu’à peine quelques-unes s’étaient fixé des cibles concernant la nomination de femmes aux conseils d’administration ou à des postes de direction. La principale raison évoquée? La conviction que les candidates devraient être choisies en fonction du mérite.
Les études montrent pourtant que l’avancement fondé uniquement sur le mérite ne se produit que rarement, sinon jamais dans les milieux de travail, et que des inégalités systémiques persistent. Pour beaucoup d’entreprises canadiennes, le fait de compter une ou deux femmes dans des postes de direction a longtemps été un symbole suffisant de succès, mais on peut faire beaucoup mieux. Il est temps que les femmes qualifiées, expérimentées et prêtes à assumer des fonctions de haut niveau au Canada puissent accéder à des postes au sein des conseils d’administration et des équipes de direction. Et la manière la plus efficace d’y parvenir, c’est en établissant des cibles – ces cibles mêmes que des entreprises tardent à se fixer. La logique est simple : il est impossible de mesurer le progrès sans point de comparaison. Les organisations qui ont compris ce principe se sont déjà fixé des cibles à atteindre et plusieurs font preuve d’un leadership fort en se fixant des cibles de plus en plus exigeantes.
Après tout, c’est dans leur intérêt. La proportion de femmes dans la gouvernance d’une entreprise doit être représentative des principaux intéressés. Grandes ou petites, publiques ou privées, les entreprises ont tout à gagner à accroître le nombre de femmes à leur tête. Le fait d’accroître le nombre de femmes dans des postes de pouvoir a le potentiel non seulement de transformer le milieu de travail, mais la société dans son ensemble.
Les études montrent que les femmes ont encore de nombreux défis que les hommes n’ont pas à relever : les stéréotypes, un premier emploi de bas niveau, un salaire moins élevé, une progression dans les rangs moins rapide que les hommes, même en adoptant les mêmes stratégies, un accès restreint à des projets internationaux importants et ayant une grande visibilité ou essentiels à la mission, et un accès restreint à des personnes haut placées en mesure de favoriser leur avancement professionnel. Autrement dit, les femmes doivent travailler plus fort que les hommes pour se faire remarquer et briser le plafond de verre. Nous avons la responsabilité de corriger la situation.
Pour accélérer le rythme du changement, il faut prendre des mesures audacieuses. Les pratiques exemplaires adoptées dans le monde entier, y compris dans le secteur bancaire canadien, en sont de bons exemples. Le gouvernement a un rôle important à jouer pour permettre de comprendre la nécessité d’un tel changement. Il devra établir des cibles visant la représentation des femmes au sein des conseils d’administration, fournir des conseils sur les mécanismes de renouvellement des membres d’un conseil d’administration, faire un suivi du nombre de femmes siégeant à des conseils d’administration et sensibiliser le milieu des affaires à la nécessité de changer les choses. Il devra en outre donner l’exemple en adoptant lui-même le comportement qu’il souhaite voir adopter.
Les organisations ont aussi un rôle à jouer. Elles doivent prendre des mesures qui font la promotion des femmes, devenir les chefs de file d’un changement systémique rapide, et collaborer avec le gouvernement à atteindre des objectifs communs.
Les recommandations suivantes visent à favoriser le processus d’avancement des femmes au sein des conseils d’administration. Elles s’adressent à trois groupes importants : les organisations, leurs dirigeants et les gouvernements.
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Tanya van Biesen est directrice générale de Catalyst Canada, la plus importante organisation mondiale à but non lucratif qui contribue à l’avancement des femmes par l’intégration en milieu de travail. À ce titre, Mme van Biesen est responsable de diriger la croissance des activités de Catalyst au Canada, d’orienter les stratégies pour faire progresser la mission de Catalyst auprès des partisans, des partenaires commerciaux, des organisations professionnelles, des chefs d’entreprise, des hauts dirigeants et des intervenants. Elle a pris la parole à l’occasion de Carrefour 2017, organisé par Universités Canada.