Un pionnier de l’apprentissage profond veut combler l’un des écarts en intelligence artificielle

« Je suis toujours aussi passionné », affirme Yoshua Bengio lorsqu’on lui demande ce qui se profile à l’horizon dans ses travaux de recherche. « Lorsqu’on regarde ce qui se fait de mieux dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), il y a encore une grande lacune. » On cherche encore des réponses à des mystères de la conscience humaine, explique-t-il.

« C’est un écart qui ne pourra être comblé simplement par plus de travail en génie informatique ou de calculs, ou par l’expansion de nos modèles. Il nous manque des principes, » poursuit le professeur de l’Université de Montréal.

« C’est ce qui oriente mes travaux. Notre hypothèse actuelle, c’est qu’il y a un lien à établir avec le fonctionnement de haut niveau, c’est-à-dire ce qu’on fait consciemment et qu’on peut verbaliser. »

M. Bengio s’est mérité en 2022 un prestigieux prix Princesse des Asturies en recherche technique et scientifique, de pair avec ses collègues Geoffrey Hinton (University of Toronto), Yann LeCun (Université de New York) et Demis Hassabis (DeepMind), tous considérés comme des pionniers de l’apprentissage profond.

Il est fondateur et directeur scientifique de l’Institut québécois d’intelligence artificielle Mila, un regroupement de plus de 1 000 chercheuses et chercheurs de l’apprentissage automatique et le plus grand centre de recherche universitaire en apprentissage profond au monde. M. Bengio est aussi codirecteur du programme Apprentissage automatique, apprentissage biologique du CIFAR et directeur scientifique d’IVADO, un institut de recherche et de transfert en IA.

L’apprentissage profond s’appuie sur des réseaux de neurones pour exécuter des opérations de reconnaissance vocale, de vision par ordinateur et de traitement du langage. Il a permis à des machines de battre des championnes et champions mondiaux de jeux d’esprit et a révolutionné la biologie en permettant de prédire des structures protéiques à partir de leurs séquences. L’apprentissage profond a pour objectif d’imiter le fonctionnement du cerveau humain et utilise des algorithmes qui convertissent le processus d’apprentissage organique en formule mathématique compréhensible par un ordinateur. Le but est que la machine puisse apprendre de ses propres expériences.

Selon M. Bengio, l’apprentissage profond arrive aujourd’hui à très bien faire ce que les êtres humains font inconsciemment, sans y penser. Le fonctionnement mathématique des idées conscientes qui guident nos actions est toutefois encore imprégné de mystère pour les scientifiques.

« On en sait beaucoup sur le cerveau, on a beaucoup d’indices, et c’est ce qui a inspiré l’apprentissage profond; mais pour espérer faire évoluer la prochaine génération de systèmes d’IA, on devra y intégrer d’autres pans de l’intelligence humaine qui relèvent de processus cognitifs de plus haut niveau. C’est ce qui manque actuellement, selon moi. »

Ses travaux avant-gardistes en apprentissage profond ont aussi valu à M. Bengio un prix Turing en 2018, un prix considéré comme le « prix Nobel de l’informatique », aux côtés de M. Hinton et M. LeCun.

Selon M. Bengio, les avancées et les contributions du Canada en IA sont impressionnantes. « La croissance du milieu canadien de l’IA et les travaux scientifiques accomplis sont remarquables. Au cours des dernières années, le Canada a su attirer des sommités de partout dans le monde. » Il note que c’est grâce à des investissements publics importants dans les dernières années que le pays a pu devenir un chef de file mondial de l’IA.

« Ici à Montréal, on a rassemblé une masse critique phénoménale de personnes spécialisées en IA, particulièrement en apprentissage profond, soit la discipline qui cumule le plus de réussites, qui est la plus emballante, qui génère le plus d’investissements et qui est le plus déployée dans de nombreux secteurs. »

Photo : Camille Gladu-Drouin

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