Les avantages d’aider les jeunes à vivre une expérience à l’étranger dépassent les considérations économiques

03 mars 2023
Headshot of Hirji Zabeen

Ce texte d’opinion a été publié par le Globe and Mail le 3 mars 2023.

Par Zabeen Hirji

Quand je pense à ma carrière enrichissante dans les services financiers, d’abord comme caissière chez RBC puis en tant que directrice des ressources humaines de la banque au moment de prendre ma retraite, 40 ans plus tard, je me rends compte que ce sont mes compétences humaines qui ont résisté à l’épreuve du temps.

Ces compétences, telles que l’adaptabilité et l’esprit critique, ne s’apprennent pas dans les livres et les cours, mais je sais d’où je les tiens : ayant immigré au Canada depuis la Tanzanie à l’adolescence, je peux affirmer que le fait d’être plongée dans un lieu inconnu favorise le développement rapide de compétences.

De nombreuses études ont montré que l’expérience internationale forge le caractère des individus et a une valeur tangible pour les employeurs, donc pour l’économie.

Voilà pourquoi je fais partie du groupe consultatif d’Expérience compétences mondiales (ECM), le programme pilote de 95 millions de dollars du gouvernement canadien pour la mobilité étudiante vers l’étranger, qui encourage la population postsecondaire à étudier et à travailler à l’étranger.

Malheureusement, le financement d’ECM n’est pas assuré au-delà de 2025. J’invite le gouvernement fédéral à financer de manière permanente ce programme, dont les retombées sont considérables. Il est essentiel de garantir la pérennité d’ECM et de préserver tous les avantages qu’il apporte au Canada pour assurer la prospérité du pays.

Dans son ouvrage The World is Flat : A Brief History of the Twenty-First Century, Thomas Friedman écrit que « les travailleurs et travailleuses d’aujourd’hui doivent aborder le lieu de travail comme des athlètes qui se préparent pour les Jeux olympiques, à une différence près : ils ne savent pas dans quel sport ils vont se présenter ».

Dans un monde marqué par des changements technologiques, sociaux, environnementaux et géopolitiques sans précédent, les compétences humaines sont d’autant plus importantes. Au Canada, nous devons adopter un état d’esprit de croissance et repenser les modèles éducatifs traditionnels. Nous devons être adaptables et polyvalents, ouverts à l’incertitude et capables d’apprendre rapidement. 

Au début de ma carrière, la demi-vie des compétences techniques était de 30 ans, ce qui signifie qu’en l’espace de trois décennies, la moitié de ces compétences étaient obsolètes. Aujourd’hui, la demi-vie des compétences techniques est à peine de deux à cinq ans et elle diminue encore. Par contre, les compétences humaines, elles, ne deviendront jamais obsolètes.

Les expériences internationales sont l’accélérateur d’apprentissage parfait pour ces compétences si importantes.

Explorer d’autres langues, cultures et coutumes, se faire de nouveaux amis, et même trouver comment prendre le bus ou quoi manger : ces activités quotidiennes sont toutes des leçons importantes. Pour ma part, même s’il n’a pas été facile de repartir à zéro au Canada à l’adolescence, j’ai gagné en détermination et en résilience, deux compétences essentielles pour réussir dans un monde en constante évolution.

Selon Léger Marketing, 82 % des petites et moyennes entreprises affirment que la compétitivité de leur entreprise est renforcée lorsque les employés ont des connaissances interculturelles et une compréhension du marché mondial.

Grâce à ECM, on estime à 16 000 le nombre de Canadiens et de Canadiennes qui participeront à une expérience internationale d’ici 2025. ECM a comme particularité que 50 % des fonds sont destinés aux groupes sous-représentés, dont les personnes en situation de handicap, autochtones ou issues de milieux à faibles revenus, qui ont toujours des obstacles à surmonter pour participer à des expériences internationales.

Jusqu’à présent, plus de 2500 étudiants et étudiantes du Canada ont bénéficié d’ECM, et 74 % d’entre eux affirment appartenir à un groupe sous-représenté.

Ces personnes disent que l’expérience a renforcé leur confiance en eux, les a encouragées à se fixer des objectifs plus ambitieux et a même changé le cours de leur vie.

« Partir à l’étranger est une expérience que je n’oublierai jamais », raconte Chanelle Courville, une femme autochtone récemment diplômée de l’Université Trent, qui est allée au Mexique en 2022 dans le cadre d’un projet d’ECM.

« Avoir la possibilité de voyager à l’étranger et d’étudier avec de nouvelles personnes changera à jamais mon niveau de confiance… à tel point que j’ai postulé à des emplois que je pensais hors de portée. »

J’ai appris avec plaisir que Chanelle a reçu des offres à deux des postes auxquels elle avait postulé.

Le programme fonctionne.

Les projets internationaux financés par ECM aident les jeunes talents du Canada de tous horizons à affiner leurs compétences et à renforcer notre économie pour faire face aux défis inconnus qui nous attendent.

L’incertitude entourant le financement à long terme d’ECM est préoccupante, en particulier dans le contexte des défis géopolitiques croissants.

Les enjeux sont considérables, et nous ne pouvons pas nous permettre d’être myopes. Le Canada doit continuer à encourager et à financer ses jeunes qui veulent étudier ou travailler à l’étranger au-delà de 2025.

Zabeen Hirji est conseillère principale en avenir du travail chez Deloitte, conseillère stratégique auprès du secteur public et cadre en résidence à l’École de commerce Beedie de l’Université Simon Fraser. Elle fait aussi partie du groupe consultatif d’Expérience compétences mondiales.