30 août 2016
Two people working in a labratory

Cette lettre d’opinion a paru dans le numéro de septembre-octobre 2016 du magazine Policy.

Par Paul Davidson, président-directeur général, Universités Canada

Aux yeux des recteurs des universités canadiennes, l’innovation n’a rien d’un concept abstrait ni d’un mot clé politique à caractère talismanique. Dans les laboratoires de recherche des universités canadiennes, on s’efforce chaque jour de convertir le savoir en inventions quantifiables et pratiques qui alimentent l’innovation canadienne et renforcent la compétitivité du Canada à l’échelle mondiale. Paul Davidson, président-directeur général d’Universités Canada, s’est appuyé sur l’expérience universitaire pour formuler des recommandations touchant le Programme d’innovation du Canada.

Le compte à rebours en vue du 150e anniversaire de la Confédération canadienne a commencé, et le gouvernement poursuit son ambitieuse vision de bâtir un Canada novateur, inclusif et prospère au cours des 50 prochaines années.

Cette vision peut-elle se concrétiser? Oui, mais il faudra que les décisions stratégiques passent d’un mode de transition à un mode de transformation.

Les universités du Canada croient en la promesse de l’innovation parce qu’elles savent que notre pays ne manque pas de talent. L’enjeu consiste maintenant à libérer tout ce talent potentiel et à en tirer parti.

Pour ce faire, les établissements d’enseignement, le gouvernement et les entreprises devront travailler en étroite collaboration, et se doter d’un solide plan d’action. Les examens touchant le soutien à la science fondamentale, l’innovation et le développement économique que le gouvernement a entrepris contribuent déjà à façonner le programme dont le Canada a besoin. Je crois par ailleurs que ce programme devrait intégrer trois éléments fondamentaux.

Premièrement, nous devons former la prochaine génération de leaders et d’innovateurs. Le Canada disposera ainsi d’une main-d’œuvre qualifiée, capable de se tailler une place dans une économie mondialisée et d’y contribuer. À cette fin, il faut donner à tous les étudiants accès à l’apprentissage par la pratique et à des expériences d’études à l’étranger.

Les étudiants doivent pouvoir profiter d’expériences d’apprentissage du XXIe siècle qui leur permettent d’acquérir des compétences en milieu de travail. La Table ronde sur l’enseignement supérieur et les entreprises a réclamé l’accès à des expériences d’apprentissage intégré au travail pour tous les étudiants canadiens de niveau postsecondaire. Un objectif ambitieux, certes, mais tellement bénéfique pour nos jeunes et pour l’ensemble du pays!

Dans le discours qu’il a prononcé devant une assemblée de recteurs en mai dernier, David McKay, président et chef de la direction de la Banque Royale du Canada (RBC), a souligné un aspect essentiel et souvent négligé des programmes coopératifs et des stages : le fait qu’ils démocratisent l’accès à l’emploi. Il a soutenu que pour les membres de groupes minoritaires qui n’ont pas de rayonnement social ou de réseaux établis, ces expériences mettent tous les étudiants sur un même pied d’égalité et multiplient les occasions d’emploi.

Aller étudier à l’étranger forme également une composante essentielle de l’enseignement au XXIe siècle. Les jeunes Canadiens doivent découvrir d’autres pays et d’autres cultures pour faire du Canada un chef de file mondial de l’innovation. Rien ne les aide davantage à acquérir des compétences mondiales que les expériences d’apprentissage à l’étranger, que ce soit sous forme de séjours d’études ou encore de participation à des projets de recherche, à des programmes coopératifs ou à des stages.

Lors d’une assemblée publique qui se tenait avant le Sommet des dirigeants nord-américains et à laquelle prenait part le président du Mexique Enrique Peña Nieto ainsi que des étudiants du Canada et du Mexique, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré : « Dans un contexte de mondialisation, les jeunes savent que plus ils en apprendront sur les réalités, les perspectives et les cultures d’ailleurs, plus ils en apprendront sur eux-mêmes et sur la place qu’ils occupent dans un monde de plus en plus complexe. »

Toutefois, à l’heure actuelle, bien que 97 pour cent des universités offrent de telles expériences, seulement 3 pour cent des étudiants universitaires canadiens bénéficient d’une expérience d’études à l’étranger chaque année. Les étudiants considèrent le coût comme un obstacle à un séjour d’études à l’étranger. Il nous faut donc aplanir cette difficulté et instiller une culture de curiosité sans frontières chez les étudiants, les professeurs et les familles.

Accroître la mobilité internationale des étudiants universitaires est essentiel pour former la prochaine génération de chefs de file et améliorer l’avantage concurrentiel du Canada.

Deuxièmement, le processus de réconciliation avec les Premières Nations est une priorité pour les universités canadiennes, le gouvernement fédéral et les Canadiens. Il y a un peu plus d’un an, le juge Murray Sinclair, président de la Commission de vérité et réconciliation, révélait en entrevue que « l’éducation a été à la source du problème », mais qu’elle est « également la clé de la réconciliation ».

Le Canada doit investir davantage dans les connaissances, les compétences et le talent des jeunes Autochtones. Moins de 10 pour cent des Autochtones canadiens âgés de 24 à 35 ans sont titulaires d’un diplôme universitaire, comparativement à 26 pour cent des Canadiens non autochtones. Le Canada doit faire mieux pour que les jeunes Autochtones puissent réaliser leur plein potentiel.

Les universités canadiennes intensifient leurs efforts pour créer des milieux d’apprentissage accueillants et respectueux sur les campus grâce à des programmes d’études, des services, des mécanismes de soutien et des espaces consacrés aux étudiants autochtones.

Un sondage d’Universités Canada a récemment révélé que des progrès encourageants avaient été réalisés à cet égard. Le nombre de programmes d’études offerts à tous les cycles portant sur des enjeux autochtones ou spécialement conçus pour les étudiants autochtones a augmenté de 33 pour cent en seulement deux ans.

De plus, 86 pour cent des universités offrent désormais des services de soutien ciblés, par exemple des services d’orientation scolaire ou de mentorat par les pairs, afin de répondre aux besoins particuliers des étudiants autochtones.

Il reste encore beaucoup à faire et nous avons besoin de l’appui de nos partenaires du gouvernement et du secteur privé. Une aide financière accrue pour améliorer l’accès aux études supérieures et appuyer les programmes qui stimulent le maintien aux études est indispensable pour permettre aux jeunes Autochtones de réaliser leur plein potentiel.

Le rôle que jouent les universités dans le processus de réconciliation ne se borne pas à donner accès aux campus et à favoriser la réussite scolaire des étudiants autochtones. Les universités invitent les citoyens à une réflexion sur le passé et à la création d’un avenir inclusif. Elles favorisent le leadership des Autochtones dans le milieu universitaire par la mise en place de nouvelles structures de gouvernance et modifient les programmes afin qu’ils tiennent compte des savoirs autochtones. Nous n’en sommes qu’aux premières étapes, mais les universités canadiennes ne cessent de multiplier les efforts dans le cadre du processus de réconciliation.

Troisièmement, nous devons revoir notre façon de soutenir les chercheurs et les innovateurs de premier plan.

Le Canada exerce déjà une grande influence sur la scène internationale. Même si sa population représente moins de 0,5 pour cent de la population mondiale, il produit 4 pour cent des articles scientifiques et près de 5 pour cent des articles les plus fréquemment cités dans le monde.

Les chercheurs universitaires ont effectué pour 13 milliards de dollars en recherche-développement (R-D) en 2014, soit 40 pour cent du total national. Chaque année, ils effectuent pour des entreprises des activités de recherche qui se chiffrent à près d’un milliard de dollars, ce qui contribue à renforcer leur avantage concurrentiel.

Cependant, l’écart continue de se creuser entre le Canada et les autres pays en matière d’investissements en R-D. Entre 2006 et 2014, le Canada est passé du troisième au septième rang des pays de l’OCDE en ce qui concerne les dépenses de recherche dans le secteur de l’enseignement supérieur.

Pour réaliser le potentiel du Canada à la hauteur de nos ambitions, nous devons investir dans la recherche universitaire afin de retrouver notre compétitivité à l’échelle internationale. La Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) pourrait ainsi financer les installations et l’équipement nécessaires pour appuyer la recherche de pointe dans l’ensemble des secteurs et des disciplines. Elle pourrait investir dans le talent et la découverte en offrant un financement accru au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).

Le talent canadien doit être outillé s’il veut rayonner à l’échelle mondiale en prenant part à des projets de collaboration internationale en matière de recherche, et relever les grands défis auxquels notre pays et le monde sont confrontés. Nos mécanismes de financement doivent appuyer davantage la recherche interdisciplinaire, afin de favoriser les découvertes et l’innovation aux nombreuses intersections de la société moderne.

Les entreprises ont un rôle important à jouer. N’oublions pas que de 2006 à 2013, le Canada a chuté du 18e au 26e rang pour ce qui est du total des dépenses intérieures brutes en R-D des entreprises (DIRDE). Les entreprises canadiennes doivent intervenir et recommencer à investir dans la R-D et à embaucher davantage de diplômés talentueux formés dans les universités canadiennes.

Dans le premier budget qu’il a déposé en mars dernier, le gouvernement fédéral a clairement démontré qu’il comprenait la valeur et le potentiel des universités canadiennes.

Les deux milliards de dollars sur trois ans qui ont été affectés à un nouveau fonds d’investissement stratégique pour les établissements postsecondaires font état d’une profonde volonté d’investir au profit des étudiants et de leurs lieux d’apprentissage. Nous avons été satisfaits d’apprendre récemment qu’un financement serait accordé aux universités canadiennes pour la construction de laboratoires modernes et de nouvelles installations de recherche ainsi que pour des projets d’énergie verte.

Le budget rend également compte de la plus importante hausse du financement de la recherche axée sur la découverte depuis plus d’une décennie. Il prévoit en effet une augmentation de 95 millions de dollars des budgets annuels des organismes subventionnaires de la recherche dès 2016-2017. Il s’agit d’un pas important pour aider le Canada à retrouver des niveaux de financement de la recherche concurrentiels à l’échelle internationale.

Les nouveaux fonds consacrés à l’enseignement coopératif démontrent aussi que le gouvernement accorde une grande importance aux possibilités d’apprentissage par la pratique offertes aux étudiants. Enfin, les sommes allouées à l’éducation primaire et secondaire des jeunes autochtones jetteront les bases d’un parcours qui leur permettra d’envisager et de réussir des études supérieures.

Il reste toutefois beaucoup à accomplir. Le gouvernement a du pain sur la planche, mais il a démontré qu’il était prêt à agir pour stimuler la prospérité économique et l’inclusion sociale. L’examen du soutien à la science fondamentale réalisé au cours de l’été, le nouveau Programme d’innovation et le nouveau Conseil consultatif sur l’économie présentent un immense potentiel pour tracer la nouvelle voie à suivre.

Nous devons saisir cette occasion. La recherche axée sur la découverte, la recherche appliquée, la mobilisation du talent, l’innovation et la croissance économique sont toutes interreliées. Pour façonner un avenir novateur et prospère, nous devrons investir de façon stratégique dans nos ressources humaines et nos idées. Le rôle des universités sera décisif, puisqu’elles contribueront ainsi à obtenir les résultats souhaités dont le Canada a besoin.

Nos universités sont non seulement des moteurs de l’innovation, mais elles sont aussi un moyen sûr d’accéder à la prospérité individuelle, collective et nationale.

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