Cet article d’opinion a paru dans le Hill Times le 1er mai 2017
par Alan Shepard, membre du comité de la recherche d’Universités Canada et recteur, Université Concordia
Notre société mondialisée fondée sur le savoir et avide d’information remet en question à bien des égards le modèle classique du baccalauréat de quatre ans. En fait, l’évolution rapide des connaissances et des compétences requiert un apprentissage qui dure toute la vie.
Par conséquent, nous entrons dans l’âge d’or de l’éducation continue, une ère qui regorge de possibilités pour les universités. Nous avons une solide base sur laquelle construire : actuellement au Canada, 400 000 étudiants sont inscrits aux programmes d’éducation continue.
Le gouvernement fédéral a fait preuve de vision et d’imagination en annonçant, dans le budget de 2017, un investissement de 225 millions de dollars pour la création d’une nouvelle organisation qui, de concert avec l’industrie, tentera de cerner les lacunes en matière de compétences et à les combler par l’éducation continue.
Le gouvernement reconnaît, avec raison, que l’éducation continue est capitale dans le processus de formation postsecondaire, et essentielle pour répondre aux besoins de la société et des individus. Cependant, la façon dont les universités fonctionnent actuellement ne tient pas compte de cette réalité. Tant que nos systèmes de classement ne changeront pas, les universités ne s’adapteront pas – et l’éducation continue sera de plus en plus cédée au secteur privé.
Élargir notre perspective
Compte tenu du rythme auquel le savoir évolue, nous devons continuellement rafraîchir nos connaissances et les compétences que nous utilisons pour les appliquer.
Parallèlement, les parcours d’apprentissage changent. Les trentenaires sont nombreux à étudier au premier cycle, et leur parcours ne les a pas menés directement de l’école secondaire à l’université. Nous continuons également d’accueillir de nouveaux Canadiens en grand nombre. Pendant leur carrière, les gens reviennent à l’université pour acquérir de nouvelles connaissances et perfectionner leurs compétences afin de croître et de s’adapter sur le plan professionnel.
Afin de répondre au besoin de la société qui doit compter sur des travailleurs du savoir instruits qui savent s’adapter, et aux attentes d’apprenants de plus en plus variées, il faut établir une vision de l’enseignement universitaire souple et axée sur les étudiants – dont l’éducation continue doit faire partie.
Offrir de la souplesse, c’est plus qu’offrir des options en ligne, même si la technologie numérique fait partie de la solution. C’est aussi offrir des cours le soir, le week-end et des cours accélérés avec des échéances souples. L’Université Concordia croit en l’apprentissage tout au long de la vie, un jour à la fois : le processus est continu, mais l’expérience peut se vivre au moment et de la façon qui convient à l’apprenant.
Cette souplesse requiert des universités qu’elles essaient de nouveaux modèles — et qu’elles acceptent le risque que certains de ces essais n’atteignent pas les cibles espérées. Par exemple, les programmes coopératifs que l’on connaît bien ont été créés il y a 50 ans. Il est temps pour les universités de collaborer avec l’industrie pour en créer la version 2.0.
Le soutien gouvernemental est essentiel à l’évolution de l’éducation continue. Depuis trop longtemps, la croyance populaire veut que les étudiants à temps partiel coûtent moins cher que les étudiants à temps plein. En vérité, les étudiants à temps partiel dépendent en grande partie des mêmes ressources que les étudiants à temps plein. Dans un monde où l’apprentissage se voudra souple et à vie, « à temps partiel » signifiera « pour toujours, mais non sans interruption ».
Le budget de 2017 comprend d’importants engagements en ce sens, y compris la nouvelle admissibilité des étudiants à temps partiel aux Bourses d’études canadiennes. Ce changement est crucial, vu le nombre d’étudiants en apprentissage à vie qui doivent également jongler avec une vie familiale ou professionnelle. De nouveaux fonds sont aussi offerts aux étudiants qui soutiennent une famille et à ceux qui retournent à l’école pour poursuivre leur formation. Ce sont là des pas dans la bonne direction.
L’université appartient à tous
Les universités concluent déjà des partenariats avec l’industrie pour contribuer à l’innovation et à l’entrepreneuriat. L’apprentissage à vie exige lui aussi de faire tomber les barrières entre l’université et la collectivité.
À l’Université Concordia, nous demandons à notre collectivité ce qu’elle attend de nous. Nous avons créé des cours avec des partenaires locaux — par exemple, un cours de jardinage urbain souple, à la fois pratique et en ligne, donné par l’intermédiaire de l’organisation City Farm School à Montréal. Nous élaborons des propositions de programmes novateurs comme un cours ludique sur les mégadonnées ou un outil en ligne qui aide les étudiants étrangers à établir des réseaux de contacts ici à Montréal avant leur arrivée, alors qu’ils vivent encore dans leur pays d’origine. Toutes ces mesures reposent sur un héritage d’éducation continue qui, pour nous, remonte à Sir George Williams en 1926.
Nous nous trouvons à la croisée des chemins, un moment sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Le monde s’élargit et se resserre en même temps; les populations et les industries sont en plein essor, mais les connexions et les communications numériques nous rapprochent. Nous vivons dans un monde de grandes possibilités, mais aussi d’incertitude.
En adoptant la bonne stratégie, avec le soutien du gouvernement et de l’industrie et avec la révision plus que nécessaire du système de classement du rendement des universités, nous ferons en sorte que tous les apprenants, peu importe leur âge, leur provenance et leur expérience, aient les connaissances et les compétences dont ils ont besoin non seulement pour réussir dans ce nouveau monde, mais aussi pour en assurer la prospérité.
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