Par le très honorable David Johnston
L’ancien gouverneur général du Canada et président de la Fondation Rideau Hall
Le Canada a une excellente occasion d’accroître les compétences, les habiletés, la résilience, la curiosité et l’empathie de sa prochaine génération : en encourageant ses jeunes à devenir des citoyens du monde par les études et le travail à l’étranger.
Si la pandémie de COVID-19 nous a appris quelque chose, c’est bien l’importance des relations. Elle nous a aussi a rappelé que pour régler des problèmes mondiaux, il faut des solutions mondiales.
Nous ne devons pas travailler en vase clos, mais plutôt nous consacrer entièrement à la diplomatie du savoir, en collaborant dans la lutte aux problèmes mondiaux comme la pauvreté, les changements climatiques et, bien sûr, la santé mondiale.
Pour paraphraser Thomas Jefferson, celui qui allume sa chandelle à la mienne se donne de la lumière sans me plonger dans l’obscurité. Dans la même veine, lorsque nous favorisons la diplomatie du savoir, tout le monde en profite.
En réalité, les étudiants qui travaillent ou étudient à l’étranger rapportent des compétences et des connaissances qui renforcent les intérêts locaux, provinciaux et nationaux.
Cette notion n’est pas nouvelle; en 1987, l’Europe a institutionnalisé ce partage de connaissances en créant le programme Erasmus, destiné à promouvoir l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport.
Cette année marque le 35e anniversaire de ce qui est maintenant le meilleur programme de mobilité étudiante au monde. Comptant 3200 participants au départ, Erasmus rejoint maintenant plus de 300 000 étudiants par année. Le programme a évolué et répond maintenant aux besoins d’une population diversifiée en proposant une expérience plus inclusive, plus numérique et plus écologique pour tous.
Au cours de ces 35 années, le Canada est devenu un leader mondial de l’accueil d’étudiants étrangers; seuls les États-Unis et le Royaume-Uni en attirent davantage. Leur présence enrichit nos salles de classe et nos communautés, stimule notre économie et nous permet de tisser des liens avec des pays du monde entier.
Nous avons toutefois pris du retard quant à l’offre et au financement d’occasions d’apprentissage international pour nos propres citoyens. Avant la pandémie, à peine 11 % des étudiants de premier cycle universitaire et 3 % des étudiants de niveau collégial avaient participé à une expérience internationale au cours de leurs études.
En 2019, dans le cadre de sa stratégie quinquennale d’éducation internationale, le gouvernement canadien a posé un geste fort pour remédier à la situation en lançant sa plus grande initiative de mobilité vers l’étranger : Expérience compétences mondiales (ECM).
Financé par Emploi et Développement social Canada, le programme ECM offrira à plus de 16 000 étudiants canadiens de niveau postsecondaire la possibilité d’étudier ou de travailler à l’étranger d’ici 2025. Dans les quelques mois qui ont suivi la reprise des voyages internationaux, le programme a déjà permis à plus de 1400 étudiants canadiens de vivre une expérience à l’étranger, ce qui équivaut tout à fait aux résultats d’Erasmus à sa première année.
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement du Canada investit dans des expériences internationales pour ses jeunes.
Le programme Bourses de la reine Elizabeth (BRE), créé en 2012 à l’occasion du 60e anniversaire d’accession au trône de Sa Majesté, améliore l’échange mondial de talents entre le Canada et d’autres pays. À ce jour, le programme BRE a attribué plus de 2200 bourses au Canada et ailleurs dans le monde. Le gouvernement du Canada a récemment fait un don de 20 millions de dollars à une nouvelle campagne commémorative visant à assurer la permanence du programme.
Expérience compétences mondiales, par contre, est actuellement un programme pilote; son financement n’est donc pas garanti au-delà de 2025.
Il serait bien dommage qu’il ne soit pas renouvelé.
Grâce à des programmes comme ECM et BRE, des milliers de jeunes « ambassadeurs » canadiens acquièrent des compétences qui leur serviront toute leur vie : curiosité, confiance en soi et autonomie.
Ils deviendront capables d’un niveau élevé d’empathie, ce qui les rendra moins prompts à porter des jugements et plus sujets à favoriser les valeurs communes plutôt que les divisions culturelles.
Ils seront plus susceptibles de toucher de bons salaires, de mieux résister aux aléas de l’économie mondiale et de promouvoir le respect de la diversité et de la dignité humaines.
Nous avons appris qu’investir dans les individus, l’intelligence et la réflexion pour faire progresser le savoir était aussi un moyen d’améliorer la condition humaine. En encourageant les citoyens à développer leurs talents tout en élargissant leur compréhension, nous bâtissons un monde meilleur, moins conflictuel et caractérisé par une appréciation mutuelle plus respectueuse.
Les programmes d’échange de connaissances contribuent également à uniformiser les règles du jeu, en rendant les voyages et leurs avantages plus accessibles aux étudiants autochtones, en situation de handicap ou issus de groupes défavorisés qui, bien souvent, n’ont pas la chance de participer à des activités internationales. C’est là un élément central du programme ECM.
De façon plus large, ce programme étend l’« expérience » canadienne en matière de diversité à l’échelle mondiale.
Antoine de Saint Exupéry a écrit : « Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente. »
Il faut, pour atteindre l’excellence, faire en sorte que le plus de gens possible de tous horizons y aient accès; ce sont eux qui élèveront continuellement nos aspirations et nos attentes.
Le Canada peut exceller, et les étudiants canadiens peuvent être concurrentiels à l’échelle mondiale, mais nous devons pour cela offrir à nos étudiants l’accès à une éducation digne du XXIe siècle. Ils le méritent, et notre pays en a besoin.