Le Canada fait face à une crise aiguë des talents. Le nombre de postes vacants a atteint un sommet inégalé, laissant les employeuses et employeurs au dépourvu. Les jeunes chercheuses et chercheurs du Canada peinent à joindre les deux bouts avec un financement demeuré inchangé depuis 20 ans. Les personnes qui souhaitent venir étudier au pays attendent des mois pour obtenir leur permis d’études. Les étudiantes et étudiants au premier cycle cherchent des possibilités d’emploi intéressantes pour parfaire leurs compétences. Ces obstacles font en sorte qu’un nombre restreint de personnes de talent viennent au pays et y restent.
Le Canada ne peut se permettre de continuer à perdre du terrain dans un monde de plus en plus concurrentiel et turbulent qui repose sur le talent et les idées – deux éléments tributaires de la prospérité collective.
Les universités, la population étudiante et les chefs d’entreprises conviennent qu’il faut agir maintenant pour cultiver et retenir la prochaine génération de talents. Le gouvernement peut aider à créer les conditions nécessaires pour y parvenir en adoptant quelques solutions judicieuses. Les entreprises de pratiquement tous les secteurs, que ce soit celui des sciences de la vie, des technologies de l’information, de l’aviation, de l’aérospatiale ou même de l’exploitation des ressources, veulent embaucher un nombre accru de Canadiennes et Canadiens possédant les compétences nécessaires à la poursuite et à la croissance de leurs activités. À l’heure actuelle, le Canada a besoin de talents qualifiés et spécialisés pour pourvoir 400 000 nouveaux postes dans ces domaines changeants et en pleine croissance.
Voilà pourquoi le Canada doit réinvestir dans les talents en recherche. Les pays comparables, y compris les États-Unis, ont récemment consenti des investissements historiques en science qui menacent la capacité du Canada à attirer et à retenir les chercheuses et les chercheurs de talent aux cycles supérieurs. La cohorte de jeunes talents provenant de tous les horizons doit relever plus d’obstacles et composer avec moins de perspectives que jamais. La réduction des niveaux de financement fait en sorte que les étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs touchent des salaires qui les placent sous le seuil de la pauvreté, nuisant ainsi à la capacité du pays à livrer concurrence pour attirer les personnes les plus brillantes.
Par ailleurs, le Canada fait fuir le talent d’ailleurs et ne réussit pas à réduire les obstacles auxquels font face les étudiantes et étudiants étrangers. Bien que le pays soit une destination d’études et de recherche attrayante, les délais de traitement des permis d’études surpassent de plusieurs mois ceux de pays comparables. Chaque personne qui décide d’étudier dans un autre pays malgré une offre d’admission d’un établissement canadien représente une perte pour le Canada. On ne peut laisser l’arriéré bureaucratique nuire à l’économie et aux établissements canadiens.
Devant l’investissement de 200 milliards de dollars américains au profit de la science prévu par la CHIPS and Science Act des États-Unis qui redessine le paysage mondial de la politique scientifique, le Canada doit se montrer ambitieux. Il est temps que le gouvernement fédéral veille à la croissance de l’écosystème de recherche du pays afin qu’il puisse livrer concurrence sur la scène mondiale. Alors que les pays comparables réinvestissent dans la recherche, il est inacceptable que la part du produit intérieur brut canadien consacrée à la recherche et au développement diminue depuis dix ans et se chiffre aujourd’hui bien au-deçà de la moyenne de 2,4 % de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de celle des pays en tête de l’innovation.
Le fait que le Canada continue d’afficher un rendement insatisfaisant par rapport aux autres pays membres de l’OCDE est alarmant, et même si le réinvestissement massif en recherche est un pas dans la bonne direction, il ne sera pas suffisant pour régler la situation. Les chercheuses et chercheurs doivent aussi être en mesure de s’allier à des entreprises, commercialiser leurs idées et générer des retombées dans des domaines comme les changements climatiques et la réconciliation.
Finalement, le gouvernement fédéral doit travailler en vue d’accroître la souplesse de la main-d’œuvre canadienne en mettant l’accent sur l’apprentissage continu en cette période de transition économique. Toutes les personnes inscrites à un programme d’études postsecondaires devraient avoir accès à des possibilités d’apprentissage intégré au travail, et les politiques fédérales sont le moyen d’y parvenir.
Les travailleuses et travailleurs en milieu de carrière ou qui souhaitent se réorienter doivent également pouvoir accéder à des programmes de courte durée taillés sur mesure pour parfaire des compétences spécifiques. Le Canada doit se doter d’une politique nationale en matière de microcrédits afin de faire en sorte que les programmes d’études offerts partout au pays soient de grande qualité et répondent aux besoins de la main-d’œuvre ainsi que des employeuses et employeurs.
Dans un monde qui repose sur les talents, ces solutions judicieuses ont le potentiel de régler la crise des talents qui sévit au pays. Le gouvernement n’a qu’à agir.
Signataires :
Paul Davidson
Président-directeur général
Universités Canada
Christian Fotang
Président du conseil d’administration
Alliance canadienne des associations étudiantes
L’honorable Perrin Beatty
Président et chef de la direction
Chambre de commerce du Canada