Cet article d’opinion a paru dans The Hill Times le 12 juin 2017
par Paul Davidson, président-directeur général d’Universités Canada, et Michael McDonald, directeur général de l’Alliance canadienne des associations étudiantes
De nos jours, il est essentiel d’innover en éducation pour préparer les étudiants à évoluer dans un monde qui change rapidement. D’un bout à l’autre du pays, les universités canadiennes offrent aux étudiants un enseignement adapté à l’économie mondiale du XXIe siècle, axée sur le savoir.
Pour diffuser le savoir et stimuler la discussion, les professeurs d’université puisent dans une vaste gamme d’occasions d’apprentissage et de ressources, dont des documents numériques et de nouvelles plateformes en ligne. Pour que cela soit possible, il est essentiel d’adopter une démarche équilibrée en matière de droit d’auteur au Canada.
Les universités utilisent les droits que la Cour suprême leur confère en ce qui concerne l’utilisation de contenu protégé par des droits d’auteur à des fins éducatives, et l’utilisation équitable est au cœur de ces droits.
En effet, l’utilisation équitable permet aux établissements d’enseignement d’utiliser de petites portions d’œuvres sans payer le titulaire du droit d’auteur. Il est ainsi plus facile d’exposer les étudiants à des textes et à des ouvrages variés aux origines multiples. Les éducateurs disposent en outre d’outils pédagogiques parfaitement adaptés au contenu présenté, aux enjeux de l’heure et aux besoins du groupe. Universités Canada considère qu’une utilisation équitable sans frais correspond, tout au plus, à la reproduction du dixième d’un ouvrage dans le cadre d’un cours ou à la diffusion de courts extraits de plusieurs films pendant une conférence.
Parallèlement, les universités continuent d’investir massivement dans le contenu provenant de sources payantes. Ensemble, elles dépensent chaque année plus de 350 millions de dollars pour faire l’achat de documents. Ce montant a augmenté de plus de 40 pour cent au cours des dix dernières années, ce qui dépasse le taux d’inflation. Les sources payantes demeurent le principal moyen d’accéder à l’activité savante, à la recherche scientifique publiée et à toute documentation utilisée sur les campus.
L’utilisation équitable faisait partie de la première version de la Loi sur le droit d’auteur rédigée en 1921. Depuis 2002, la Cour suprême du Canada a rendu plusieurs décisions confirmant que l’utilisation équitable joue un rôle de premier plan dans l’équilibre de la Loi sur le droit d’auteur. La Cour a précisé qu’il était légitime pour les étudiants et les professeurs d’avoir recours à l’utilisation équitable, et en parle comme d’un « droit » pour tous les utilisateurs.
À la suite de sa mise à jour par le gouvernement du Canada en 2012, la Loi sur le droit d’auteur se conformait aux décisions rendues par la Cour suprême sur plus d’une décennie en faveur de l’utilisation équitable. Cette année, au moment où le gouvernement amorce l’examen obligatoire de la Loi, les universités et les étudiants du Canada lui recommandent vivement de poursuivre dans la même voie.
La valeur de cette disposition a été renforcée en 2002 par la Cour suprême du Canada, qui a déclaré que l’utilisation équitable et les éléments similaires de la Loi sur le droit d’auteur avaient une incidence importante sur l’innovation « dans l’intérêt à long terme de l’ensemble de la société ».
Grâce à l’utilisation équitable, tous les étudiants ont accès à une diversité de sources dans le cadre de leurs études. Des recherches indiquent qu’une hausse des coûts limiterait l’accès des étudiants aux documents didactiques dont ils ont besoin. Par exemple, une étude de la Kwantlen Polytechnic University révèle qu’environ 54 pour cent des étudiants de la Colombie-Britannique choisissent de ne pas acheter au moins un de leurs manuels en raison de son prix. Pire encore, 26 pour cent des étudiants ont préféré ne pas s’inscrire à un cours en raison du prix élevé d’un manuel et 17 pour cent d’entre eux ont abandonné un cours à cause du coût de la documentation.
Au cours des dernières années, les éditeurs ont haussé le prix des manuels à un point tel que bon nombre d’étudiants ne peuvent plus se les offrir. Heureusement, grâce à la numérisation, la transmission d’information entre les disciplines est plus facile que jamais. En outre, le milieu universitaire dispose de mécanismes pour veiller à ce que les créateurs soient payés.
Les universités sont à la fois des créatrices et des utilisatrices d’œuvres protégées. Par conséquent, elles consacrent des ressources considérables pour que l’ensemble de la collectivité universitaire respecte la Loi sur le droit d’auteur. Depuis 2012, la plupart, sinon tous les établissements canadiens ont d’ailleurs augmenté leur budget d’acquisition pour s’y conformer.
Les universités déploient des efforts considérables pour informer les étudiants des règles liées au droit d’auteur afin de veiller à leur bonne application.
Sur les campus, des spécialistes du droit d’auteur échangent avec les étudiants, les professeurs et le personnel pour les sensibiliser à la Loi sur le droit d’auteur et leur fournir le soutien nécessaire au respect de la Loi. La transition de documents en majeure partie imprimés vers le format numérique en forte croissance constitue un défi pour plusieurs. Ce changement a perturbé certains secteurs de l’industrie et les éditeurs s’efforcent de s’adapter à cette nouvelle réalité et de modifier leurs modèles d’affaires, tout comme le font entre autres les services de taxi, les clubs vidéo, les détaillants et les hôtels.
Il est évident que nous devons stimuler la création de contenu canadien, mais non pas en resserrant les dispositions de la Loi sur le droit d’auteur relatives à l’utilisation équitable. Le gouvernement doit envisager d’autres mesures stratégiques pour aider directement les créateurs, y compris ceux des campus, à traverser cette période de bouleversements. En ce qui concerne le droit d’auteur, les étudiants et les administrateurs des universités sont d’accord. Universités Canada et l’Alliance canadienne des associations étudiantes s’entendent sur la nécessité de maintenir une stratégie équilibrée en matière de droit d’auteur et sur l’importance de protéger les dispositions sur l’utilisation équitable.
Ensemble, nous demandons au gouvernement de conserver l’ajout de 2012 relatif à l’éducation dans l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur. L’utilisation équitable assure un juste équilibre entre les droits des créateurs et ceux des utilisateurs. Il s’agit d’un outil indispensable pour préparer les étudiants pour l’avenir.
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