Les jeunes Canadiens doivent voir le monde comme une école

22 août 2016
A group of students siting outside of university with David Mulroney

Cet article d’opinion a été publié sur le Globe and Mail le 22 août 2016.

Par David Mulroney, recteur et vice-chancelier, University of St. Michael’s College

J’ai toujours hâte d’accueillir les nouveaux étudiants en septembre, mais je ne peux m’empêcher de me demander s’ils partiront, s’ils s’aventureront à l’étranger. Je tiens à ce qu’ils le fassent – pas sur-le-champ, mais sans tarder.

Ils doivent considérer le monde comme une école; partir à l’étranger pour acquérir une éducation complète qui les préparera pour l’avenir.

J’ai personnellement passé ma troisième année d’études universitaires à parcourir le monde. De septembre 1975 à juin 1976, j’ai vécu une expérience qui m’a profondément transformé, et qui a marqué une rupture nette entre mes deux premières années à la University of Toronto, au sortir du secondaire, et mes deux dernières années d’études au premier cycle. J’ai alors commencé à mûrir émotionnellement et intellectuellement et à acquérir les compétences et l’intérêt qu’il faut pour apprendre ensuite tout au long de la vie.

J’ai en partie financé mon voyage en vendant des spécialités importées d’Italie à des épiceries et pizzerias de quartier à Sydney, en Australie, où j’avais fait halte. Je participais à l’époque à l’une des premières moutures des désormais familiers programmes de travail-vacances destinés aux étudiants voyageurs. Le programme auquel j’ai participé reposait sur l’idée que les séjours à l’étranger contribuent à « ouvrir l’esprit », comme on disait alors, à élargir l’horizon intellectuel des participants en leur faisant prendre conscience de la complexité et de l’infinie richesse du monde.

Une partie de ce que j’ai découvert lors de ce voyage m’a été fort utile plus tard dans ma carrière diplomatique, menée presque entièrement en Asie. De l’Australie, je suis parti pour la Malaisie. Ce premier séjour en Malaisie, pays complexe et pluriethnique, m’a grandement aidé à saisir les enjeux politiques et économiques qui, 20 ans plus tard, ont été au cœur de mon travail au haut-commissariat du Canada à Kuala Lumpur.

Mon séjour ne m’a pas uniquement permis de m’initier à la politique et à l’économie malaisiennes, il m’a surtout permis d’envisager avec empathie les défis que doit relever cette nation très hétérogène, au sein de laquelle je m’étais fait de nombreux amis.

J’ai également eu la chance pendant mon périple en Asie de découvrir l’Afghanistan, juste avant que la paix et la prospérité relative qui y régnaient ne volent en éclats avec l’invasion soviétique de la fin des années 1970.

J’ai été émerveillé par les trésors du musée de Kaboul, par sa riche collection d’objets d’art ramenés jadis par les voyageurs de la route de la soie et par Alexandre le Grand. À Bamiyan, j’ai grimpé dans des grottes et des tunnels creusés dans le roc, dans les hauteurs dominant les deux grands bouddhas de pierre qui, depuis des siècles, surplombaient la vallée.

Trente ans plus tard, lorsque je suis retourné en Afghanistan comme coordonnateur de l’action canadienne pour la reconstruction d’après-guerre, j’ai été effaré de constaté tout ce qui avait été détruit et brisé, y compris les deux superbes bouddhas. Le souvenir du pays simple, paisible et remarquablement tolérant que j’avais connu dans les années 1970 m’a toutefois aidé à croire qu’avec une écoute attentive et des objectifs modestes et réalistes, nous pourrions contribuer au redressement du pays.

Mon premier périple en Asie m’a vraiment ouvert l’esprit, mais m’a aussi permis de vivre mes propres expériences, de mettre ma vision du monde à l’épreuve et de mieux comprendre le point de vue des autres.

À mon retour à l’université à l’automne 1976, j’avais mûri et j’étais un meilleur étudiant. Le fait d’avoir vieilli d’un an a pu jouer, bien sûr, mais j’avais désormais acquis la discipline essentielle aux grands voyageurs. La rencontre de gens différents et de cultures totalement étrangères à la mienne m’a rendu non seulement plus tolérant, mais également plus confiant.

Malheureusement, le parcours que j’ai fait jadis en Asie est désormais inaccessible aux étudiants, mais bien d’autres destinations s’offrent à eux pour élargir leurs horizons. La University of St. Michael’s College, dont je suis le recteur, propose des programmes d’échange avec des universités italiennes et irlandaises. Il offre également des programmes d’apprentissage par l’expérience, qui permettent aux étudiants d’œuvrer pour des ONG un peu partout dans le monde.

En réalité, 97 pour cent des universités canadiennes proposent des expériences à l’étranger à leurs étudiants sous forme de séjours d’études, de stages, de semestre de travail ou encore d’apprentissage par l’action communautaire. Malheureusement, seuls trois pour cent des étudiants au premier cycle ont la chance de vivre ce type d’expériences, qui changent une vie. Il faut faire mieux.

Si les études universitaires procurent un enseignement supérieur, les expériences à l’étranger (voyages, travail, études) contribuent à l’ouverture d’esprit. Il est extrêmement important que les jeunes Canadiens soient sensibles à ces deux dimensions. La prospérité et la sécurité du Canada dépendront de leur capacité à évoluer habilement dans un environnement mondialisé et interconnecté. Aujourd’hui plus que jamais, les jeunes Canadiens doivent voir le monde comme une école.