Cette lettre d’opinion a paru dans le numéro de septembre-octobre 2016 du magazine Policy.
Par Elizabeth Cannon, rectrice de la University of Calgary et siège au conseil d’administration d’Universités Canada
Un million d’étudiants prennent des notes, font de la recherche et interprètent des textes sur les campus dans l’ensemble du Canada aujourd’hui, dans le cadre de leurs études au premier cycle. Parmi eux se trouvent les futurs diplômés du « sesquicentenaire », une entrée dans les 150 prochaines années d’existence de la nation.
L’année 2017 deviendra un point de référence pour eux. Elle servira à mesurer le temps écoulé, et leurs modes, leurs musiques et leurs voitures seront datées en fonction de l’année d’obtention de leur diplôme.
Les étudiants qui ont obtenu leur diplôme l’année du centenaire de la confédération, en 1967, se rappellent sûrement les mini-jupes, les pantalons patte d’éléphant et les imprimés cachemire; les voitures Mustang et Cougar qu’ils conduisaient; la musique de Lulu, des Boxtops et de Bobbie Gentry. Ils se rappellent aussi très certainement des événements qui ont marqué le centenaire de manière permanente. Nous avons construit des bibliothèques, des musées, des arénas et le Centre national des Arts pour célébrer le centenaire; des monuments qui font partie intégrante de l’apprentissage et du mode de vie canadien depuis un demi-siècle.
Dans 50 ans, lorsque nous remonterons à 2017, de quoi allons-nous nous souvenir? De la brique et du mortier? Peut-être pas. Je crois que nous nous remémorerons le début d’une nouvelle et ambitieuse vision pour le Canada qui a autant à voir avec la culture par la formation d’individus et l’édification d’idées, qu’avec la construction d’un patrimoine matériel servant à nous situer dans le temps.
Le gouvernement fédéral a énoncé une vision d’avenir audacieuse définie par l’innovation, la prospérité et l’inclusion. Les universités partagent cette vision. Par la découverte, la diffusion de nouvelles connaissances et l’esprit d’entreprise qui les caractérisent, les universités sont au cœur de l’innovation canadienne. Elles rassemblent les idées et les gens en aidant à trouver des solutions aux grands enjeux de nos collectivités et de notre pays.
Les universités canadiennes contribueront de manière déterminante, comme elles l’ont toujours fait, à l’édification d’un Canada prospère, novateur et inclusif. De nombreuses universités datent d’avant la Confédération; leur engagement envers les étudiants, les collectivités, la recherche et le pays demeure.
Aujourd’hui, les universités se concentrent sur la mobilisation du talent nécessaire pour réaliser cette vision prometteuse de l’avenir. L’automne dernier, elles ont présenté la manière dont elles allaient s’y prendre par un document énonçant leurs engagements renouvelés à l’égard des Canadiens, et dans lequel elles s’engagent à offrir des possibilités d’apprentissage variées et à créer des partenariats afin d’aider les étudiants à atteindre leur plein potentiel.
En ma qualité de rectrice de la University of Calgary, je connais l’importance de revoir et de se remémorer les résultats escomptés de l’éducation. L’éducation a une fin en soi, et le parcours éducatif en fait partie. Le parcours doit permettre aux étudiants d’acquérir les compétences et le savoir dont ils auront besoin pour s’épanouir, même si ce n’est pas un sujet d’examen. Nous y parvenons par l’excellence qui se mesure à l’échelon local et par rapport aux normes internationales. Nous faisons en sorte que l’apprentissage se déroule dans des lieux propices, y compris dans la collectivité ou en milieu de travail, et de manière optimale, que ce soit par l’expérience pratique ou la diffusion du savoir. Et nous confions aux plus grands esprits (étudiants et professeurs) les problèmes mondiaux les plus pressants.
Comme pays, nous avons fait de l’enseignement supérieur un indicateur de la prospérité nationale. En fait, nous avons tous intérêt à ce que les étudiants contribuent à la future réussite économique, sociale et intellectuelle du Canada. Les étudiants au travail aujourd’hui doivent savoir et sentir qu’ils font déjà partie du « monde réel » et d’un réseau mondial bien réel aussi. Les universités servent en effet de liens et de catalyseurs et réunissent des idées et des ressources provenant du secteur privé, du gouvernement, des collèges et des organismes communautaires.
Lorsque nos nouveaux diplômés songeront à cette année universitaire mémorable, ils se souviendront d’un gouvernement qui investissait en prévision de l’avenir, afin de bâtir un avenir prospère et inclusif.
Le dernier budget fédéral promet un financement accru pour les étudiants et leurs lieux d’apprentissage. Un engagement de deux milliards de dollars en appui au secteur postsecondaire pour moderniser les labos, appuyer les technologies vertes et donner accès à une capacité de commercialisation accrue permettra de bâtir de réelles installations de recherche du XXIe siècle.
L’augmentation de 95 millions de dollars par année du financement non ciblé pour les organismes subventionnaires ouvre la porte à la découverte sans laquelle il ne peut y avoir d’innovation. Parallèlement, 800 millions de dollars consacrés au financement des réseaux et des grappes d’innovation témoignent de l’importance du Programme d’innovation. Ces deux initiatives sont interdépendantes.
Le fait d’accroître le financement pour les étudiants et d’apporter des modifications au Programme canadien de prêts aux étudiants permettra d’améliorer l’accès à l’enseignement supérieur. Je me demande si, dans 50 ans, certains se souviendront de 2017 comme l’année qui a vu le premier membre de leur famille entrer à l’université… Un grand moment.
Le gouvernement fédéral s’est aussi engagé à accorder un soutien accru aux peuples autochtones sur le plan de l’éducation. Les mesures mises en place jettent les bases pour leur permettre d’atteindre leur plein potentiel et leur assurer une meilleure représentation au sein du milieu de l’enseignement supérieur; elles reconnaissent enfin que l’éducation est la voie vers la prospérité.
Les universités sont particulièrement bien placées pour faire en sorte que la nouvelle vision du Canada devienne une réalité. Comme elles touchent tout le monde et toutes les collectivités, ce genre d’investissements est rentable. Prenons l’exemple de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) créée il y aura bientôt 20 ans. La FCI a été créée par le gouvernement fédéral pour renforcer la capacité du pays à entreprendre des activités de recherche et du développement technologique de calibre mondial dans l’intérêt de tous les Canadiens, et c’est exactement ce qu’elle a permis de faire.
La FCI a entre autres rendu possible la création du Centre canadien de rayonnement synchrotron de la University of Saskatchewan. Internationalement reconnue, cette installation nationale a contribué à faire des découvertes révolutionnaires et des avancées dans les domaines de la santé, de l’agriculture, des nanotechnologies et des ressources naturelles. Elle a aussi permis de fonder l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, où du personnel médical collabore avec des chercheurs pour comprendre les maladies et créer de nouveaux outils de diagnostic et de meilleures thérapies.
Voilà des exemples concrets. Mais il arrive qu’on ne sache pas où mèneront les investissements en recherche. Imaginez les discussions qui ont dû avoir lieu lorsque des chercheurs ont présenté une demande de subvention de plusieurs millions de dollars pour appuyer le projet d’envoyer de l’équipement à deux kilomètres sous terre pour étudier les neutrinos. Aujourd’hui, avec le recul, nous savons que ce projet avait une profondeur comparable à celle du puits de mine où se déroulaient les travaux : le prix Nobel de physique a été attribué à Arthur McDonald, de la Queen’s University, et à son collègue japonais Takaaki Kijita, de l’Université de Tokyo, pour leurs travaux en physique qui ont montré que les neutrinos produits par le soleil se modifient pendant leur parcours vers la Terre. Cette découverte n’a donné lieu à aucune application pratique immédiate. D’ailleurs, personne ne s’y attendait. Nous pouvons toutefois nous interroger maintenant sur les effets qu’elle aura sur l’informatique quantique ou sur la maîtrise de la fusion nucléaire ou encore sur tout autre domaine de recherche que le savoir enrichit.
Ça ne veut pas dire que le Canada doit investir de manière audacieuse sans se doter d’un plan sérieux pour l’avenir. Le groupe d’experts chargé de l’examen du soutien à la science fondamentale est actuellement à l’œuvre et un programme d’innovation a récemment été annoncé par le gouvernement fédéral, deux exercices auxquels participent activement les universités. Je suis heureuse d’y contribuer, non seulement à titre de membre du Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation du Canada, mais aussi comme rectrice et présidente du conseil d’administration d’Universités Canada.
Ces exercices doivent être menés de manière coordonnée et harmonisée, car la recherche axée sur la découverte, la recherche appliquée, la mobilisation du talent, l’innovation et la croissance économique sont intimement liées. Les universités feront pression pour que la recherche soit financée à des niveaux concurrentiels à l’échelle internationale et pour obtenir un soutien accru pour la collaboration internationale et interdisciplinaire en matière de recherche.
Les universités et le gouvernement fédéral partagent une vision ambitieuse : mettre en place une société prospère et équitable, ainsi qu’un Canada branché qui permette de réunir les plus grands esprits et les ressources nécessaires pour trouver des solutions à des problèmes nationaux et mondiaux pressants. Nous avons tout ce qu’il faut pour réaliser cette vision.
Pour donner le coup d’envoi des célébrations du sesquicentenaire du Canada, en février 2017 Universités Canada conviera à une conférence nationale à Ottawa des étudiants accomplis de 97 universités canadiennes et d’autres jeunes innovateurs ainsi que des visionnaires du secteur privé, du gouvernement et des organisations communautaires. Leurs échanges porteront sur la manière de bâtir un Canada novateur, prospère et inclusif pour le XXIe siècle. Intitulée Carrefour 2017, cette conférence explorera le potentiel du Canada à faire figure de modèle d’égalité, de pluralisme et de prospérité.
Qui de mieux pour entamer les 50 prochaines années que cette jeunesse qui, un jour, jettera un regard rétrospectif et pourra dire « C’était une vision ambitieuse, et nous l’avons réalisée. »